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The History of Photography in Lebanon from its Beginnings

Les Débuts de la Photographie au Liban à travers son Histoire

L'invention de la photographie au XIXe siècle s'inscrit dans une période marquée d'événements majeurs au Proche et Moyen-Orient, qu'il convient ici de rappeler brièvement afin de mieux appréhender le contexte dans lequel s'est développée la photographie dans cette région.

En 1799, l'étude de l'égyptologie fait un bond en avant grâce à une découverte d'une grande importance: un officier français trouve la fameuse Pierre de Rosette qui permet le déchiffrage des hiéroglyphes. Bien que la pierre ait été subtilisée par les Britanniques et que Thomas Young ait commencé à la déchiffrer, c'est l'historien français Jean François Champollion qui complète finalement l'étude en 1822.

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Première photographie de beyrouth par Horace Vernet et Goupil-Fesquet
en 1840. Au premier plan on peut voir la mosquée Al Saraya

En 1812 ont lieu les explorations de Petra et d'Abou Simbel, menées par le Suisse Johan Ludwig Burckharrdt.

La première liaison régulière par bateau est établie entre Marseille et Alexandrie en 1835.
En 1859, Ferdinand de Lesseps (1805-1894) entame la création du canal de Suez qui devient opérationnel dix ans plus tard, à l'issue d'une cérémonie officielle internationale sous le patronage de l'impératrice de France, l'empereur d'Autriche et les princes héritiers de Prusse et du Danemark. Les voies de communication, de transport et de commerce deviennent plus réduites.

Jérusalem, qui avait jusqu'alors suscité peu d'intérêt en dehors de ses lieux saints, se développe comme centre international. Les Britanniques sont les premiers à y ouvrir un bureau consulaire, en 1833, suivis des Prussiens (1842), des Français (1843), des Américains (1844), des Autrichiens (1845) et des Russes (1858). En 1837, les services postaux turcs commencent à opérer depuis la Palestine; le premier bureau télégraphique de la région s'installe à Jérusalem en 1865.

En 1881, la première vague d'émigrants juifs et de photographes d'Europe de l'Est arrive en Palestine.

Au XIXe siècle, deux moyens d'échanger du courrier ont cours dans l'Empire Ottoman: l'Office Postal Turc aux prestations lentes et peu fiables, ou bien l'un des nombreux bureaux postaux ouverts par les puissances étrangères. Les deux réseaux postaux les plus efficaces sont ceux de l'Autriche, relayés par la messagerie maritime Lloyd's Austriaco, et celui de la France. Ainsi, des bureaux de poste français s'implantent dans l'Empire Ottoman à partir de 1830. Cette implantation est essentiellement destinée à suppléer à la carence des postes turques et à favoriser les relations postales indispensables à la bonne marche des entreprises et des commerces français et européens installés dans les principaux ports du pourtour méditerranéen. Parmi les cinq premiers bureaux de poste qui sont crées entre 1830 et 1849, figure celui de Beyrouth en 1845. L'affranchissement du courrier se fait avec les timbres des pays d'origine des bureaux de poste, et le courrier affranchi est transporté régulièrement par les frégates qui mouillent au large du Grand Hôtel d'Orient (Hôtel Bassoul) prés de l'actuel Hôtel Phoenicia.

Au XIXe siècle, la France et l'Angleterre n'ont aucun mal à étendre leur influence sur l'Orient car bien que les Ottomans aient régné pendant trois siècles, ils n'ont imposé ni leur langue ni leur civilisation, et n'ont jamais établi de culture ottomane au Proche-Orient. De surcroit, ils méprisent ouvertement les populations locales. Par conséquent, le règne des pays de l'Europe occidentale a un impact beaucoup plus important que celui des Ottomans. La France déploie son influence sur l'Egypte, le Liban et la Syrie à travers des activités commerciales, culturelles, et par des services sociaux et éducatifs. La Grande-Bretagne s'intéresse davantage au travail des missionnaires et à l'expansion de l'influence protestante. Un de leurs principaux objectifs est de convertir les populations locales: juives en Terre Sainte, particulièrement celles de Jérusalem, druzes au Mont-Liban, grecques-orthodoxes à Beyrouth. Une aide financière est offerte à ceux qui se convertissent.

Le succès limité qu'ils rencontrent dans leur mission semble aujourd'hui être la preuve des conditions difficiles de survie dans la région.

La France, dans un premier temps, réussit le mieux à étendre son influence sur la région; l'Angleterre qui, à l'époque, est principalement occupée par ses tentatives colonialistes sur l'Inde, déploie moins d'efforts à l'égard du Proche-Orient. De plus, l'attitude française séduit plus les populations locales que celle des Britanniques.

Durant la seconde moitié du XIXe siècle, l'Empire Ottoman, que l'Europe surnomme « L'Homme malade de l'Europe », s'effondre sur tous les fronts. En effet, l'affaiblissement de l'Empire est dû à plusieurs facteurs:

- Du fait de la participation de la France et de la Grande-Bretagne à ses côtés, durant la guerre de Crimée (1851-1853), le sultan Abdel-Magid est contraint d'accorder des privilèges aux habitants non musulmans de son empire tout en renforçant le courant réformiste conformément à la vision européenne.

- Dans les années 1870, la situation interne en Egypte se détériore. Le pays est en faillite, et les mouvements nationalistes panislamiques contre l’occidentalisation se font violents et nombreux. Le condominium financier que Paris et Londres ont établi sur les finances du khédive engendre une vive agitation nationaliste qui débouche sur la révolte militaire conduite par Arabi Pacha en 1882 et, le 11 juin de la même année, sur le massacre d'une soixantaine d'Européens à Alexandrie. Un mois plus tard, la flotte anglaise bombarde puis débarque à Alexandrie. En septembre, les forces britanniques finissent par envoyer un corps expéditionnaire et occupent toute l'Egypte.

Dès 1881, face à la vulnérabilité croissante des finances, l'Empire Ottoman est contraint de céder le contrôle financier aux puissances étrangères, notamment la France et l'Angleterre. A ce moment, les nations européennes commencent à se préoccuper sérieusement de ce qu'on appelait communément « la question orientale » pour décrire le chaos.

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La Banque Impériale Ottomane à Beyrouth - 1906

C'est à cette époque, malgré une importante crise financière sévissant dans l'Empire Ottoman, que la Banque Impériale Ottomane est crée le 4 février 1863. Un contrat est conclu entre les actionnaires de l'Ottoman Bank, fondée en 1856, le gouvernement ottoman et des investisseurs britanniques et français. La Banque Impériale Ottomane, tenant les rôles de banque d'Etat et de trésorier public, s'impose en tant que banque commerciale, consolidant ainsi ses relations avec le marché grâce à son réseau de succursales dont la plus imposante est celle construite à Beyrouth. Le 18 février 1875 marque une date charnière pour l'avenir de la Banque, puisque c'est par une convention ratifiée par firman impérial que le gouvernement élargit ses prérogatives en lui confiant le contrôle du budget de l'Etat et l'assainissement de la situation financière de l'Empire. Le caractère de Banque d'Etat de la Banque Impériale Ottomane était ainsi pleinement réaffirmé. La Banque se voit confier la perception des taxes indirectes et la gestion des monopoles du sel et du tabac, accroît son activité commerciale et développe une double activité de financement de l'économie turque et de promotion d'entreprises. C'est ainsi que la banque est à l’ origine de la création, en 1888, de la Compagnie du Port de Beyrouth. Elle s'intéresse, en association avec d'autres partenaires, à la Ligne de Chemin de Fer Beyrouth-Damas (1892), ultérieurement prolongée vers Homs, Hamah et Alep (1900). Elle apporte son concours financier à plusieurs entreprises ferroviaires, et participe également à quelques affaires minières.

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Inauguration en 1903 de la gare de chemin de fer au port
de Beyrouth, décorée par les drapeaux Ottomans

Cette région du monde en pleine mutation traverse donc, au XIXe siècle, un période tourmentée, lorsque la photographie voit le jour en Europe.

Joseph Nicéphore Niépce (1765-1833), un inventeur de Chalon-sur-Saône, fixe le premier des images de qualité moyenne sur des plaques d'étain recouvertes de bitume de Judée, sorte de goudron naturel qui possède la propriété de durcir à la lumière (1826 ou 1827). Joseph Nicéphore Niépce meurt en 1833 et Louis Jacques Mandé Daguerre (1787-1851) poursuit l'amélioration du procédé; en découvrant le principe du développement de l'image latente, Daguerre trouve le moyen de raccourcir le temps de pose à quelques dizaines de minutes. En 1839, il fait la promotion de son invention auprès du savant et député François Arago qui lui accorde son soutien. Ainsi, l'invention de la photographie date officiellement de 1839, date à laquelle Arago présente à l'Académie des Sciences « l’invention » de Daguerre, le daguerréotype. Grâce à ce procédé, par lequel on pouvait obtenir une image sur une plaque de cuivre argentée, il était possible d'obtenir une photographie après « seulement » une demi-heure de pose. William Henry Fox Talbot (1800-1877) mène des recherches parallèles à celles de Niépce et Daguerre à partir de 1833. En 1860, il invente le « calotype » ou « collodion », procédé négatif-positif permettant la diffusion multiple des images.

Dès lors, le dessin perd beaucoup de sa fonction en tant que document d'information, au profit de cette image d'impression. Les milieux bien organisés des peintres, des lithographes et les graveurs qui viennent sur place pour peindre des sites et des vues, en sont bouleversés et réalisent de suite l'importance et la portée de cette découverte.

Si le développement de la photographie en Europe ne rencontre aucune réticence, dans l'Empire Ottoman elle est confrontée à l'hostilité des milieux religieux conservateurs, lesquels refusent toute représentation imagée, considérant cela contraire aux principes de l'Islam. En effet, quand les Turcs s'emparent de Constantinople, le Coran s'élève farouchement contre l'idolâtrie, tel qu'il est stipulé au verset 16 « Sers Dieu, abandonne les idoles ». Par conséquent, dans les régions sous influence islamique, on ne trouve aucun portrait, aucune silhouette d'animaux, rien de ce qui possède une âme immortelle. Toute allusion datant de la période byzantine doit disparaître. Heureusement, certains vestiges nous sont restés comme les mosaïques de Sainte-Sophie à Istanbul. On se contente de les couvrir de badigeons au lieu de les détruire a jamais.

Mais au fur et à mesure que l'Empire se modernise sous la pression des puissances européennes, la photographie s'impose progressivement. Cette modernisation de l'empire a déjà été initiée par le Sultan Mahmoud II (1808-1839), qui manifeste un vif intérêt pour toutes les inventions techniques européennes. Il a recours à des experts européens pour réorganiser son administration et son armée, et autorise même la création de troupes de théâtre et d'orchestres. Cette capacité à s'inscrire en rupture par rapport à la tradition se manifeste notamment en 1837, par la présentation au public de son portrait réalisé à l'huile. La même année, des médailles sont frappées à son effigie pour être offertes à ses hôtes de marque et aux dignitaires; le musicien Franz Liszt recevra ainsi l'une de ces médailles en 1847 à l'occasion d'un concert donné au Palais. On prend alors l'habitude d'accrocher, dans les bureaux des édifices gouvernementaux ainsi que dans les demeures des particuliers, des portraits de personnages importants, ainsi que des portraits de famille, à l'instar de celui du sultan, sans que cela ne provoque la moindre réaction chez le peuple. L'art de faire des portraits de famille se répand dans toutes les provinces de l'Empire Ottoman, notamment au Mont-Liban parmi les notables et la classe bourgeoise de l'époque. L'art du portrait s'affirme au XIXe siècle; il devient alors courant que des notables fassent exécuter leur portrait par des artistes peintres italiens ou russes. Les portraits des aïeux, puis des plus jeunes, sont souvent accrochés dans les salons des demeures.

La cour ottomane n'est nullement indifférente aux avantages de l'illustration et de la propagande que véhicule la photographie. Très tôt et depuis l'invention de la photographie, les sultans s'entourent de photographes choisis parmi les plus compétents; il s'agit en général de Chrétiens, mais surtout de membres de la communauté arménienne. Ces derniers ont en effet largement contribué au développement des arts, métiers et nouvelles techniques dans l'Empire Ottoman. N'ayant rien contre la représentation figurative, les membres de la communauté arménienne seront choisis pour être les portraitistes de l'Empire et auront le quasi-monopole de la photographie en studio. Les photographes arméniens possèdent des studios de photographie dans les principales villes de l'Empire Ottoman; les plus réputés sont ceux de Garabedian et Krikorian à Jérusalem, de Guiragossian et Sarrafian à Beyrouth, de Berberian à Amman, de Halladjian à Haifa, ainsi que ceux des trois frères Horsep, Viken et Kevork Abdullah à Istanbul. Ces derniers figurent parmi les plus illustres photographes de la première génération. Turcs d'origine arménienne, les jeunes frères ont été introduits très tôt dans le milieu artistique; Kevork (1839-1918) a étudié l'art à l'école Murad Raphaellian de Venise où traditionnellement étaient envoyés les enfants des familles bourgeoises arméniennes, tandis que Vichen (1820-1920), à la fois peintre et miniaturiste, réputé pour ses miniatures en nacre et en ivoire, travaille à la cour du sultan. Assistants du photographe et chimiste allemand Rabagh établi à Pera (quartier d'Istanbul), les 3 frères Abdallah décidèrent d'acheter son studio en 1858, Rabagh souhaitant rentrer en Allemagne.

Grâce à l'évolution rapide des techniques photographiques et notamment celle du négatif au collodion (technique permettant d'obtenir des négatifs non plus sur papier mais sur des plaques de verre et d'imprimer plusieurs copies à partir d'un seul négatif), l'industrie de l'image se développa rapidement dans les années 1860. Les frères Abdallah n'hésitèrent pas à abandonner le daguerréotype pour cette nouvelle technique; cette dernière ne leur donnant pas entière satisfaction, ils décidèrent de se rendre à Paris au Centre Mondial de la Photographie afin de s'informer des dernières innovations auprès d'éminents photographes dont le Comte Agnado et le Baron Taylor.

De retour a Istanbul, ils furent introduits auprès du sultan Abdel Aziz par l'intermédiaire de l'ambassadeur de France, le marquis Moustier. Rapidement, les trois frères gagnèrent les faveurs du sultan, et devinrent les photographes officiels de ce dernier. Ils furent alors chargés de diverses missions, dont une campagne photographique couvrant toutes les provinces de l'Empire Ottoman, et participèrent à diverses expositions en Europe, dont l'Exposition Universelle de 1878 à Paris.

Les photographies des frères Abdallah permettaient au sultan de transmettre à l'Occident une image moderne de l'Empire Ottoman; ainsi, les monarques européens en visite à Constantinople reçoivent des portraits peints sur ivoire et des photographies reproduisant des édifices, la vie somptueuse à la cour, les réalisations modernes comme les écoles, les hôpitaux, les armes, la flotte ottomane, les rues pavées et éclairées, etc. Mais ces photographies font également connaître au sultan les quatre coins de son immense empire, lui qui ne quitte son palais que très rarement.

Les frères Abdallah seront également sollicités par des membres de familles royales européennes, tel que le prince Albert Edward d'Angleterre et son épouse, l'empereur Napoléon III, ou bien encore l'empereur d'Autriche François-Joseph, qui, en visite à Istanbul, souhaitaient se faire tirer le portrait.

En 1886, les frères Abdallah s'établissent au Caire, où ils ouvrent une filiale qui prospèrera jusqu'à 1895 grâce à l'appui du khédive Tawfiq.

Les frères Abdallah sont les photographes attitrés du sultan pour les portraits des grands personnages de l'époque. Ils sont sollicités pour immortaliser des scènes officielles et familiales et les moments importants de l'Empire Ottoman. L'abondante production des frères Abdallah dans les collections publiques et privées témoigne de leur succès commercial.

Les progrès techniques de la photographie, principalement la réduction du temps de pose et la naissance de l'instantané ont permis, à partir des années 1880, l'allégement des équipements et l'élargissement des activités photographiques pour réaliser de plus en plus de prises de vue hors des studios. En effet, depuis la découverte de la production du celluloïd (première matière plastique artificielle) et la commercialisation des appareils Kodak avec le slogan devenu célèbre à l'époque « Vous appuyez sur le bouton, nous faisons le reste », l'art de la photographie passe à la vitesse supérieure.

Utilisées à la place des plaques sensibles de verre qui sont difficiles à préparer, et surtout à transporter à cause de la chaleur, les pellicules plates et sèches permettent désormais de prendre un grand nombre de photos en peu de temps.

Les frères Sarrafian seront les premiers à profiter pleinement de cette grande avancée technologique. Ils s'intéressent particulièrement aux sujets de la vie quotidienne qu'ils immortalisent: petits métiers, cafés, musiciens… ainsi qu'aux paysages urbains et champêtres qui constituent de nos jours un fond documentaire unique.

Les Arméniens ont donc été les pionniers et principaux acteurs de l'histoire de la photographie en Orient. Depuis la traduction du livre de Daguerre en turc en 1841, les photographes arméniens ont joué un rôle édifiant dans tout le Moyen-Orient, et transmis une chronique de la société ottomane au XIXe siècle. Si les premiers photographes voyageurs occidentaux photographient surtout les vestiges archéologiques et les sites bibliques, les photographes résidents réalisent des prises de vue en studio ou dans les quartiers populaires des grandes villes. L'intense dynamisme des photographes arméniens s'est poursuivi au-delà de l'éclatement de l'Empire en 1918. Mais la dégradation de leur situation politique et les massacres dont ils ont été victimes ont incité nombre d'entre eux à s'exiler, et à transférer leur savoir-faire technique et photographique dans les pays du Proche-Orient, le Liban, la Syrie, la Palestine, jusqu'en Iran, où ils ont trouvé refuge.

Le Liban est intimement lié à l'histoire de la photographie. En effet, le premier daguerréotype connu au monde, illustrant des ruines romaines, a été réalisé sur le site de Baalbek, lors d'une expédition photographique conduite par Joly de Lobnière en 1839. A cette même date, soit quelques mois après la découverte du procédé de daguerréotype, une autre expédition conduite par Horace Vernet et Goupil-Fesquet se dirigeait vers l'Egypte et Jérusalem et réalisa également des daguerréotypes de ces contrées. Parmi ces clichés figure la première photo de Beyrouth. L'album de cette expédition Excursion Daguerrienne, vues et monuments les plus remarquables du globe, a été commandité par l'opticien Le Rebours et édité en 1842.

Alors que la photographie connaît un essor technologique dans la première moitié du XIXe siècle, le Liban doit faire face à de nombreuses tragédies et bouleversements historiques.

En 1805, Muhammed Ali se proclame Pacha d'Egypte et s'attelle à la difficile tâche de moderniser son pays. Il règne en tenant le pays d'une main de fer, et provoque ainsi divers épisodes politiques sanglants, comme le massacre de Mamelouks en 1811, qui inspirera plus tard une multitude de peintures orientalistes. Ses ambitions le mènent jusqu'à l'invasion de la Mecque en 1813 et plus tard entre 1822 et 1828, à jouer un rôle dans la guerre d'indépendance en Grèce. En 1831, il conquiert le Mont-Liban. Béchir II, émir de la province centrale du Mont-Liban et allié au vice-roi d'Egypte, conseille à ce dernier d'occuper sans trop tarder les villes côtières libanaises, dans le but personnel et secret de se débarrasser du joug ottoman. L'occupation égyptienne du Mont-Liban s'achève à la fin de l'année 1840. Muhammad Ali doit battre en retraite vers l'Egypte sous les pressions militaires conjuguées des Ottomans et des Britanniques auxquelles s'ajoute le soulèvement de la population locale du Mont-Liban menée par les notables traditionnels, et qui était excédée par le recours de l'administration égyptienne aux travaux sans contrepartie financière, à diverses sortes de corvées, au prélèvement des impôts ainsi qu'aux tentatives de désarmement de la population. Le régime de double Qaimaqamat, druze et maronite, est alors adopté au Mont-Liban; dès le début, le double Qaimaqamat présente de sérieuses difficultés. L'année 1840 marque certes la fin de l'Emirat, mais aussi la naissance d'une insurrection et le début d'une période de graves troubles, qui culminent avec le massacre des Chrétiens du Liban fomenté par le Wali de Damas malgré une résistance farouche menée par les trois principaux chefs Youssef Bey Karam au Nord-Liban, Youssef el-Chantiry au Metn et Abou Samra Ghanem à Jezzine. Ces hostilités ont débuté en Syrie et surtout à Damas en 1860. Les tueries ont fait prés de 20 000 victimes chez les Chrétiens. Les massacres se sont poursuivis au Liban tout au long des mois de juin et juillet avant que les Ottomans ne se décident à intervenir. Finalement, sous la pression internationale, Khurshid Pacha convoque les chefs chrétiens et druzes à Beyrouth et leur fait des propositions de paix qui sont acceptées sur le champ; les deux camps s'engagent à oublier le passé.

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Youssef el-Chantiry entouré de ses armes

Ces événements dramatiques de 1860 amènent le corps expéditionnaire français dans la région, à Beyrouth et au Chouf. Le Liban, devenu sujet de droit international, fait l'objet officiel de conférences diplomatiques. Désormais, son sort échappe légalement à l'autorité exclusive du sultan de Constantinople.

Une commission internationale représentant la Grande-Bretagne, la France, l'Autriche la Russie, la Prusse et l'Empire Ottoman est établie à Beyrouth, et siège pour la première fois le 5 octobre 1860 afin de pacifier la situation, statuer sur les responsables de ce conflit, et évaluer le montant des indemnisations dues aux victimes. La commission veut, par la même occasion, apporter des modifications à l'organisation administrative de la Montagne. Après huit mois de travaux sans relâche, de profondes divergences surgissent entre trois des membres influents de la commission. Pendant toute la durée de la conférence, le représentant de la France, Bêchard, assure continuellement les intérêts du Liban pour une large autonomie et de plus amples territoires, tandis que le représentant de la Sublime Porte Fouad Bacha et le représentant britannique Lord Dufferin s'opposent aux désidératas français. Les représentants de l'Autriche, de la Russie et de la Prusse jouent le rôle de conciliateurs. Finalement, le 9 juin 1861, un statut organique pour le Liban, sur lequel tous les membres de la commission de Beyrouth se sont mis d'accord, est officiellement signé. Ce statut, connu sous le nom de Règlement Organique, fait du Liban une province ottomane autonome sous la garantie des six puissances signataires. En 1867, l'Italie adhère au statut en tant que septième gérant.

Napoléon III considère alors que la mission confiée au corps expéditionnaire est terminée et retire ses troupes du Liban. Le gouvernement français obtient l'insertion d'une importante disposition dans le Règlement Organique prohibant l'accès du territoire libanais à l'autorité ottomane. Ainsi, sous le régime en vigueur à partir de 1861, un gouverneur chrétien, relevant directement de la Sublime Porte, est nommé. La nomination des gouverneurs locaux, Qaimaqams, l'application du Règlement Organique et l'amendement de ses dispositions dépendent dorénavant des sept puissances. Sous ce régime d'indépendance, le territoire du Liban s'est trouvé amputé et le confessionnalisme consacré; ainsi, chacune des sept circonscriptions administratives était gérée par un Qaimaqam appartenant à la confession de la majorité locale: maronite pour Batroun, le Kesrouan, le Metn et Jezzine, grec-orthodoxe pour le Koura, grec catholique pour Zahlé, druze pour le Chouf. La Cour d’appel est dirigée par un Druze, et les affaires politiques par un Grec-Orthodoxe et un Musulman, chef du bureau turc. Ce mode de répartition s'étend aux postes les plus modestes. Le confessionnalisme va peser longtemps sur l'avenir du Liban, empêchant notamment, jusqu'à nos jours, l'institution d'un véritable régime de droit civil, imposant le mariage religieux, la répartition des sièges des ministres, des députés, de l'armée et de l'administration publique.

Le Liban est certes resté économiquement incapable de prospérer, pendant de nombreuses années, suite à ces événements. Cependant, de nombreux éléments convergent à cette époque en faveur du développement de Beyrouth et du Mont-Liban. Une fois l'occupation égyptienne achevée, le port de Beyrouth devient le principal port de la région et des mesures sont prises pour améliorer les infrastructures et centraliser les administrations. Pour la première fois, les Beyrouthins peuvent participer d'une manière directe à la gestion de leur cité par l'intermédiaire d'un conseil municipal, comme initié en Europe et introduit en Egypte par l'occupation française de Bonaparte: des rues sont pavées, les quais et entrepôts agrandis, et un service de quarantaine établi.

D'autre part, la deuxième moitié du XIXe siècle, période d'expansion et d'industrialisation massive, est l'une des époques les plus florissantes pour le Mont-Liban grâce à la sériciculture.

L'industrie textile européenne et en particulier la soierie, a connu un essor exceptionnel au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle.

C'est donc sous l'impulsion des besoins croissants de l'industrie française, en particulier la soierie, que se développe la production séricicole au Liban.

Le Mont-Liban offre tout particulièrement des conditions climatiques optimales pour la culture du mûrier et l'élevage des vers à soie. La main-d'œuvre y est habile et bon marché, essentiellement chrétienne et féminine (environ 10.000 personnes dont une écrasante majorité de femmes), car il n'était pas d'usage que les femmes musulmanes travaillent dans les usines.

Il existe deux cents filatures au Liban, dont la majorité est exploitée par les Français. Elles appartiennent à des noms prestigieux de la soie européenne, Mourgue d'Algue, Eynard, ou encore la Veuve Guérin. Les magnaneries locales d’Akl Chédid, Youssef Tohmé et Assaad Toubia, quant à elles, étaient parmi les plus réputées.

Au début des années 1900, la culture du murier commence à décliner, du fait de la concurrence extrême-orientale sur le marché de la soie. Les mûriers sont remplacés par des agrumes sur le littoral et par les cultures de tabac, de vignobles et d'arbres fruitiers dans les régions montagnardes.

Le voyage revêt alors une teneur symbolique très particulière, qu'il s'agisse de la recherche de la vérité, de l'immortalité ou du spirituel.

Avec la progression à cette époque de l’expansion coloniale européenne, se développe un grand intérêt intellectuel, artistique et scientifique pour des destinations lointaines et exotiques, telles que les pays du Proche-Orient. Même si seuls les aristocrates pouvaient initialement s'offrir une aventure si coûteuse – ainsi, le prince de Galles, le comte de Chambord et leur cour effectuent de nombreux déplacements dans cette région – un voyage vers l'Orient devient rapidement « à la mode ».

Au fur et à mesure, le port de Beyrouth agrandi reçoit de plus en plus de bateaux, la région devient plus « populaire », et des voyages organisés vers le Proche-Orient se développent. Ces expéditions menées par Thomas Cook permettent d'ouvrir l'Orient à toute une nouvelle classe de voyageurs. Cependant, un tel engouement ne durera guère; une ou deux décennies plus tard, bien qu'il ne s'agisse pas encore de tourisme de masse, le voyage vers l'Orient a déjà perdu son attrait. Le voyageur « serieux » commence à se plaindre des « groupes bruyants » et de leur « attitude révoltante ». Vers la fin du siècle, Pierre Loti se déchaine en évoquant sa visite à Jérusalem:

« Arrivèrent deux autres convois pleins de ces touristes en « voyage organisé »: des hommes en chapeaux bon marché, des femmes grosses coiffées d'outre et de voiles verts… Oh! Leurs manières, leurs cris, leurs éclats de rire en ces lieux saints où l'on avait pour habitude d'arriver avec humilité et recueillement tout en marchant sur les pas des prophètes. »

Les touristes voyageant en groupes organisés par Cook sont surnommés, par dérision, « Cooks et Cookesses », et les populations locales se mettent à les appeler « Kukkiyeh ». Tous ne sont pas contre ces tours organisés par Cook, ainsi Dame Isabel Burton, résidant à Beyrouth à l'époque, observe en 1871, « on ne pourra jamais dire assez de bien de Monsieur Cook et de son institution. Il permet à des milliers de profiter de l'éducation d'un voyage, qui autrement n'auraient jamais eu cette chance… »

Pour l'Européen des années 1860, le voyage en Orient est devenu un rite de passage bourgeois à travers lequel un double but est atteint: connaissance de la région, visite des villes légendaires telles que Bagdad et réappropriation d'un héritage perdu, ainsi qu'un retour aux sources. Les racines des religions du monde occidental et de sa civilisation sont en liens étroits avec de multiples lieux d'Orient, dont les noms semblent d'eux-mêmes briller d'une certaine aura telle que Jérusalem.

Le XIXe siecle se nourrit d'une multitude de connotations orientales à caractère symbolique et magique, principalement à travers la littérature de l'époque. Chaque endroit représente (et représente toujours) quelque chose d'émouvant pour les Occidentaux. En 1852, Bridges cite le Dr. Samuel Johnson dans un court paragraphe qui résume parfaitement l'attirance de l'Occident pour le Levant:

« Le but de tout voyage est de voir les rives de la Méditerranée. Sur ces rives avaient prospéré les quatre plus grands empires du monde-Assyrien, Perse, Grec et Romain. Toutes nos religions, presque toutes nos lois, presque tous nos arts, quasiment tout ce qui nous sépare des sauvages nous est venu des côtes de la Méditerranée. »

Lorsque la liaison maritime entre Marseille et Alexandrie est établie en 1835, un grand nombre de voyageurs commencent à traverser la Méditerranée vers l'Orient. Plusieurs Français occupent alors des postes importants en Egypte: l'ingénieur Linant de Bellefonds, par exemple, est directeur des Travaux Publics et l'archéologue Auguste Mariette devient directeur des Antiquités et fonde le Musée d'Archéologie Boulaq au Caire.

La plupart des lieux en Orient revêtent un attrait quasi magique pour les Européens. La portée biblique et religieuse de sites tels que Jérusalem, Nazareth, Jéricho, le Jourdain ou encore le Mont Sinaï chargent d'émotion les écrits d'auteurs du XIXe siècle. Peut-être comprend-on mieux cela dans la préface écrite par W.H. Barlett dans son livre Quarante jours dans le désert:

« Il est dit que celui qui a bu de l'eau de Nil ne sera en paix que lorsqu'il y goûtera à nouveau… L'Orient doit rester pour toujours la terre de l'imagination, puisqu'il est le berceau de l'histoire de l'art, de la science et de la poésie; le berceau de notre religion… Nos pas sont à jamais sur les traces des sages et des poètes, des prophètes et des apôtres, ou de Lui qui est plus grand que tous. »

Les voyageurs sont de plus en plus nombreux à faire escale à Beyrouth en route vers Jérusalem ou l'Egypte, et à s'arrêter à certaines étapes, telles que Baalbek, Tyr, Saida, avec des détours pour faire halte dans les monastères de la montagne.

La seconde moitié du XIXe siècle est l'époque la plus active pour le développement de la ville de Beyrouth.

Il convient de relever quelques événements qui ont contribué à l'expansion de Beyrouth et du Mont-Liban; le développement de la sériciculture dans le Mont-Liban, la vente des balles de soie fabriquées dans les magnaneries au Liban et vendues à Lyon en France, la construction de la route Beyrouth-Damas confiée au comte de Perthuis, l'installation de la voie ferrée, l'agrandissement du port de Beyrouth… De surcroit, le journalisme, les publications et l'imprimerie se développent.

En 1885, le Moutassarif de Beyrouth, en accord avec la Municipalité, décide de construire un nouveau sérail en dehors des murs de la ville ancienne et aménage un jardin public au centre du Burj qui devient une place des plus attrayantes avec un kiosque à musique. Les édifices riverains de cette place sont construits en conformité avec les règles d'urbanisme, tenant compte de l'esthétique, de la perspective et de la circulation des fiacres.

Tout autour de la place, des constructions à deux ou trois étages sont érigées. Elles adoptent un style architectural recherché mariant harmonieusement les styles européens et locaux. C’est dans cet espace que s’installent les administrations publiques, la gendarmerie, la Compagnie des Eaux et des Chemins de Fer et la Banque Ottomane.

La demande pour construire des hôtels augmente avec ce que cela implique de cafés, salons et restaurants. La ville commence à s'étendre, des routes sont tracées, et les quartiers se peuplent rapidement de populations venues des montagnes proches. Les rez-de-chaussée des immeubles sont investis par de nouveaux commerces, tels que des pharmacies, des couturiers, des libraires et des détaillants en tout genre. Les Sarrafian s'installent à Bab Idriss. Le tramway sillonne la ville. C'est au café-théâtre Zahret Souriya et prés de la place Khan el-Tyan, sur la place du Burj, qu'est projeté le premier film en 1899. Cet emplacement ne tardera pas à devenir le fameux café Parisiana, très fréquenté par les officiers français sous le Mandat.

Les maisons enchevêtrées et les petits sentiers tortueux et dallés qui sont dans l'enceinte de la muraille de Beyrouth laissent place à des rues plus larges permettant de relier l'ancienne ville aux environs plus récents. Sous la pioche des démolisseurs et sur ordre du Wali de Beyrouth apparaissent les vestiges d'une basilique Byzantine aujourd'hui disparus, dont il ne restera qu'une photo, immortalisée par Sarrafian. Sous le Mandat Français, de nouveaux bâtiments voient le jour le long des nouvelles avenues baptisées Foch et Allenby.

La carte postale est le témoin fidèle de ce qu'est le Liban du XXe siècle sans ajout ni retouche.

Avec l'aspect de Beyrouth qui change de jour en jour, les acheteurs de cartes postales ne trouvent bientôt plus de clichés fidèles à la réalité de la ville car la production des cartes postales n'a pas suivi l'évolution des modifications que ce soit dans la capitale, dans les autres villes du littoral ou même encore dans les centres de villégiature.

Avec le temps, la carte postale devient de moins en moins un support de message. Elle commence à s'imposer plutôt comme une image en soi qui se passe de correspondance, que l'on acquiert pour elle-même et qui constitue une petite documentation. En effet, les voyageurs se mettent à acheter des cartes postales en grande quantité pour garder des souvenirs de leur voyage ou pour envoyer à leurs proches de belles images baignant dans la lumière des paysages exotiques, bien loin de la grisaille de l'Europe.

Beyrouth devient un centre régional pour le commerce, une destination incontournable pour les missionnaires et les chroniqueurs, et le passage obligé de voyageurs et auteurs célèbres. La construction de la route Beyrouth-Damas, confiée au comte de Perthuis, l'installation de la voie ferrée en 1893, l'agrandissement du port de Beyrouth… De surcroit, le journalisme, les publications et l'imprimerie se développent dans ces régions.

Le nombre croissant de voyageurs au Proche-Orient crée ainsi de nouveaux itinéraires touristiques et engendre une demande inédite de services - service postal, cartes postales, magasins de photographies - propices au développement de la photographie.

L'afflux de voyageurs allait également de pair avec la demande grandissante et impressionnante de cartes postales. Les premières cartes postales du Liban, datant de la fin du XIXe siècle, représentent des vues générales de Beyrouth et de Baalbek, imprimées dans des médaillons surmontés de l'inscription « Gruss aus » signifiant « Souvenir de ». Editées en Allemagne et en Autriche, elles sont vendues en librairie à Beyrouth.

L'un des premiers photographes à s'installer au Liban en 1867 est Félix Bonfils, dont le travail impressionnant contribue largement au développement de l'art photographique au Liban. D'autres photographes lui succèdent et s'installent au Liban, tel qu'Abraham Guiraguossian.

A partir de 1900, les cartes postales sont directement éditées, imprimées et vendues au Liban, dans les magasins de souvenirs et d'antiquités établis à Beyrouth, tels que ceux de Dimitri Tarazi ou Dimitri Habis. Le nombre de magasins de photographies ne cesse de grandir au Liban.
Le développement de l'impression va mettre sur le marché des cartes postales à moindre coût et à la portée du grand public.

Parmi les 120 éditeurs connus, les frères Sarrafian ont produit à eux seuls le cinquième des cartes postales imprimées au Liban entre 1895 et 1930.

On peut qualifier les frères Sarrafian de « géants de la carte postale » tant leur travail est prolifique et varié et tant leurs témoignages sont avant-gardistes, précis et uniques. Reporters photographiques d'une autre époque, les frères Sarrafian ont eu le génie d'être là au bon moment:

- A l'occasion de l'ouverture officielle de la gare routière au port de Beyrouth, de la mise en service de l'horloge du Grand Sérail en 1900 et de celle de la fontaine Hamidie pour les 25 ans de l'accession au trône du sultan Hamid. Ils ne manquent pas de tirer le portrait de cheikh Ibrahim el-Yazigi, fondateur de la revue al-Bayan.

- Ils furent également présents pour l'inauguration de l'Ecole des Arts et Métiers, en présence du wali et des notables de la ville en 1907, ainsi que pour celle de la Poste Ottomane prés du Khan Antoun Bey en 1908, ainsi que de l'hôpital psychiatrique de Asfourieh en 1900.

- Leurs clichés d'impression s'arrêtent sur la libération des prisonniers nationalistes de retour d'exil en 1908, les bombardements de la ville de Beyrouth par deux cuirassés de la flotte italienne et sur le naufrage du bateau « Aoun Allah » dans la rade du port de la ville en 1912. Et plus tardivement sur les images poignantes d'enfants, victimes de la famine de 1916 et sur Beyrouth sous la neige en 1920.

- Inimitable, leur série sur la vie quotidienne au Liban reprend un à un tous les métiers et les scènes urbaines et rurales dans toute leur authenticité, souvent sans se défaire de certain humour. A la fin du mois de Ramadan, sur la Place as-Sour baptisée plus tard Place Ryad el-Solh, il était d'usage de célébrer une procession traditionnelle au cours de laquelle les parents portaient sur leurs épaules les enfants circoncis. Enfin, ils immortalisent les vieilles demeures destinées à la démolition, lors des chantiers d'élargissement des rues Foch et Allenby à Beyrouth.

Les frères Sarrafian ont aussi été les photographes officiels du Syrian Protestant College devenu plus tard l'Université Américaine de Beyrouth pour qui ils ont édité une série de cartes postales d'une grande rareté.

Les souvenirs égrenés de notre patrimoine ne sauraient être complets sans évoquer le Petit Sérail de la Place des Canons de Beyrouth. Construit en 1884, dessiné par Béchara Effendi, ce petit joyau d'architecture ottomane est détruit en 1951, par un laisser-faire négligent. Il est remplacé en 1952 par une construction moderne, l'immeuble Rivoli. Ce dernier est a son tour détruit durant la guerre de 1975. Des fouilles archéologiques ont mis à jour les arcades du sous-sol du Petit Sérail.

La question qui se pose est la suivante. Ne pourrait-on pas, à l'instar de certaines villes européennes qui ont vécu les affres de la guerre, reconstruire les monuments historiques du passé?

A titre d'exemple, dans la ville de Dresde, quasiment détruite par les bombardements des Alliés à la fin de la seconde Guerre mondiale, les édifices anciens ont été fidèlement reconstitués, dans le seul but de faire revivre le passé de la cité, pour qu'une tranche de son histoire ne sombre pas dans l'oubli. En hommage à ses habitants, par respect pour leur mémoire.
De la cathédrale de Dresde ne restait qu'un pan de mur, à partir duquel à été rebâti l'ouvrage dans toute sa splendeur d'antan. Et la population de la ville en est fière.

Et si le Petit Sérail était à refaire? Il ne tient qu’à sa municipalité d'engager ses efforts pour rebâtir ce joyau historique et architectural, lui donner une place de choix dans le Centre Ville.
Pour mémoire, Monsieur Robert Debbas m'avait demandé l'intégralité des cartes postales représentant le Petit Sérail sous toutes les perspectives, car le Premier Ministre Rafic Hariri, quelques mois avant sa mort, avait été intéressé et même emballé par l'idée de reconstruire ce Sérail, après avoir vu les cartes postales.

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Beyrouth après la neige de Fèvrier 1920

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Ecole d'arts et métiers dirigée par les pères jesuites

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Beyrouth Haut Commissariat

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Innauguration de l'école industrielle

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Fuite des Libanais, Bombardement des Italiens au port de Beyrouth 1912

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Libanais mourant de faim - 1914