Jessy Gemayel, designer des traces du passé par Stéphanie Dadour
Diplômée de l’École Supérieure des Beaux-Arts de Marseille, Jessy Gemayel a été sélectionnée pour représenter la France à la Biennale des jeunes créateurs qui aura lieu à Alexandrie, en Égypte, du 25 octobre au 4 novembre 2007. Cette biennale a pour objectif de promouvoir l’union des pays méditerranéens et de favoriser les relations continues entre les artistes et les opérateurs par la réalisation de projets communs. Plus de mille créateurs de tous les pays d’Europe et de la Méditerranée y présenteront leurs travaux. Jessy Gemayel y présentera quatre projets sous le thème de « Trace » : une marque immatérielle qui a survécu à travers le temps.
Pour la jeune designer d’origine libanaise, ce projet constitue un hommage à son héritage culturel où il s’agit de faire travailler le devoir de mémoire sans toutefois le figer. Ayant vécu à Beyrouth et à Marseille, travaillé à Budapest et à Rio, Jessy Gemayel s’inspire de la diversité culturelle de ces villes et se l’approprie. Celle ci apparaît autant dans la démarche artistique de son travail que dans la conception de ces objets.
Le projet qu’elle exposera à la Biennale des jeunes créateurs est constitué de deux séries d'objets du quotidien sur lesquels elle fait apparaître des traces d'objets anciens qui révèlent un contenu historique. Dans cette perspective, la trace est considérée comme un lieu de mémoire, d’hybridation entre l’ancien et le contemporain. Ainsi, les objets qu’elle a conçus retiennent des images, sorte d’archétypes, qui cristallisent des souvenirs appartenant à une autre époque. Ce sont tantôt les napperons de grand-maman, d’autres fois les empreintes d’un papier peint, les lignes d’un miroir sorti d’un conte de fée ou les motifs d’un carrelage typiquement libanais qui apparaissent à la surface de ces objets à l’allure ordinaire. Ces derniers interagissent avec leur usager et leur environnement et sont alors sont chargés d’une histoire qui est révélée au contact de l’eau ou de la lumière. À leur état « normal », ces objets aux formes simples sont dépourvus de détails décoratifs. Ils ne cèdent la place aux ornements que lorsqu’ils réagissent avec l’environnement ou les usagers.
Fantomatik Table - Approche décalée d’un héritage bourgeois ou les ornements
d’un napperon accompagnent durant un moment la cérémonie de thé.
Glow in the dark - Un papier peint qui fait apparaître la silhouette
d’objets déplacés et qui témoignent du temps qui passe.
Magic Tile - Le passé, représenté sous forme de motifs orientaux retravaillés,
surgit à la surface du revêtement de plancher mouillé. Genre de fouille
archéologique qui transforme le décor quotidien de la maison.
Once upon a time - Quand la buée s’installe sur une partie du miroir, celui ci
renvoie une image trompeuse qui fait allusion aux contes de fée et à l’enfance.
« Fantomatik Table », «Glow in the dark », « Magic Tile » ou « Once upon a time » : les titres de ces objets sont exprimés en langue anglaise et reflètent bien le métissage culturel qui compose ces créations. Des objets qui reflètent, chacun à sa façon, des histoires, des traces qui apparaissent et disparaissent et puis des questions qui se posent : les traces sont-elles réelles ? Ou illusion ? S’agit-il de traces du passé ?
Le contexte contemporain dans lequel s’insèrent ces objets met en valeur leur provenance et leur histoire. La designer emploie un vocabulaire qui s’apparente à la légende : les termes utilisés ne sont pas aléatoires. Ils font tous référence à une situation réversible qui se situe à la limite du jeu, du conte ou de la magie. Inséré dans leur environnement actuel, ils nous emportent, le temps de quelques instants, dans un univers autre.
Force est de constater que Jessy Gemayel joue sur les notions du temps, de la durée et de l’éphémère tout en utilisant un langage formel minutieux. Entre mythe et réalité, ces objets feront surtout rêver les nostalgiques du passé. Les traditions sont redéfinies et les habitudes ancrées dans l’objet. Enfin, Jessy Gemayel a déjà participé à plusieurs expositions dont le salon du meuble de Paris et la Biennale de St-Étienne. Elle prépare en ce moment plusieurs expositions en attendant de voir ses objets édités. Pour les plus curieux, n’hésitez pas à visiter son portfolio en ligne: jessygemayel.com
Stéphanie Dadour