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Design in Development and for Development – Art and its Industrial Interface

Design en développement et design pour le développement. L'art et sa face industrielle Nayla Rached - Agenda culturel no 356 de 21 Octobre au 03 Novembre 2009

Design et industrie ne sont pas nécessairement antinomiques. Au contraire l'une contribue au développement de l'autre pour une meilleure évolution. Wafa Osta, la présidente d'Architree, et Sophie Skaf, la fondatrice de l'Adapo, insistent sur le design comme valeur ajoutée.

Le design: un mot de plus en plus utilisé dans le langage de tous les jours, ou presque. Une table design, une robe design, un meuble design, un bijou design, une assiette design... un seul qualificatif pour quantité d'objets.

Les visiteurs du salon Horeca, qui s'est tenu en avril dernier, ont eu l'occasion de jeter un coup d'œil sur le Pavillon du design libanais regroupant les créations de certains de nos designers: les bancs étranges façonnés de cuir et de sortes de piques en métal poli signés Fady Salamé, les objets en verre soufflé de Mona Asfar, les luminaires de Ethos Original ou les sous-verres en plexiglas et tables de Atelier SZ... Un bref aperçu de la créativité dont sont capables les six designers et les deux fabricants libanais rassemblés à cette occasion par Architree, une ONG libanaise qui donne l'occasion aux petites et moyennes entreprises de briller dans le monde des "designs uniques" et des "séries limitées". Son slogan: "Design pour le développement", parce que, comme l'explique Wafa Osta, la présidente d'Architree, "le but n'est pas simplement culturel, mais économique aussi. Si le travail du designer et de l'artisan est viable économiquement, alors ce travail sera préservé et sera une valeur culturelle. Il s'agit donc de faire en sorte que le travail de l'artisan soit une valeur ajoutée le plaçant ainsi sur le marché."

C'est dans ce même but que, quelques années plus tôt, en 2003 plus précisément, l'Adapo (Association de design et d'architecture au Proche-Orient) avait organisé l'événement "Mangeons design". Sophie Skaf, la fondatrice de l'Adapo, qui n'est autre que le prolongement légal de l'association Table rase qui œuvrait depuis 1993 à ancrer le concept du design au Liban, explique qu'il s'agissait d'un événement complet englobant des conférences, des expositions, des installations, des ateliers... 9 designers du Proche-Orient, dont Bernard Khoury, Nada Debs, Pascal Tarabay... et 3 designers français y ont participé "pour que l'exposition soit plus interactive et pour montrer qu'il n'y a pas un grand écart entre le niveau de nos designers et celui des Français. Par contre, le gap se situait autour de l'édition. Ce petit détail est très important: le "made in Lebanon" était le but de "Mangeons design". Il s'agissait justement, ajoute Sophie Skaf de faire en sorte que "les industriels soient conscients que le design est une valeur ajoutée et qu'ils prennent le risque d'éditer nos jeunes designers à Beyrouth et au Proche-Orient... Nous avons tout fait pour, mais nous n'avons pas réussi."

Mais l'Adapo ne baisse pas les bras, une nouvelle tentative, puis une autre encore. D'abord le lancement de workshops en 2004, mettant en avant l'artisanat du verre soufflé, de la marqueterie, du tissage sur nol et l'industrie du plastique moulé en communication avec des universités, des designers. Encore une fois, le but était de "passer des commandes pour ces artisans en voie de disparition... Mais il n'y en a pas eu", constate Sophie Skaf. Alors où se situe le problème? "Je ne sais pas! répond-elle. Est-ce une façon pour les industriels de fuir la difficulté, de s'installer dans la facilité et la répétitivité? L'autre problème, c'est le manque de moyens. La commande pourrait être plus compliquée que ce que les machines permettent à l'artisan de faire et ce dernier n'a plus alors les moyens d'évaluer dans son petit atelier... C'est un cercle vicieux, finalement", et Sophie Skaf esquisse un sourire... de lassitude, d'espoir toujours...

"Je crois qu'il y a beaucoup de potentiel dans ce pays. Mais il y a ce manque de volonté par rapport à l'industrie". Et c'est reparti: le projet "Créative Lebanon", commissionné par le British Council en 2004, et aussi un séminaire autour de la programmation créative ainsi qu'une compétition adressée aux designers de moins de 35 ans. Les lauréats Joe Abou-Khaled et Vincent Repessé, dont le projet tournait autour du message "Lebanese Homemade, Lebanese Homeblend" ont été à Londres pour acquérir des moyens pour l'édition de leur projet.

Pour la designer Sophie Skaf, "le bonheur est d'avoir de beaux objets de design qui soient exécutés et produits au Liban". Et elle cite ces petites robes de maison de Lina Mroué estampillées: créées à Beyrouth et exécutées au Liban. "C'est magnifique, C'est extraordinaire, s'exclame-t-elle. Nous avons préparé le terrain, et je crois que le flambeau est actuellement en d'autres mains."

Progressivement, les fruits mûrissent, au Pavillon de design libanais, certains designers ont conclu un marché avec des restaurants qui ont passe des commandes. Effectivement, selon Wafa Osta, le but de pavillon du designer libanais est de "connecter un secteur d'entrepreneur créateurs de l'hôtellerie et à de la restauration, puisque ce dernier secteur est un secteur qui donne la note, "a trend setter". La tendance actuellement c'est de se démarquer de la tendance à la globalisation, de mettre un cachet particulier." Les Libanais sont des "trend setters" pour reprendre les propos de Wafa Osta. D'autant plus qu'avec "la crise et le déclin de l'économie mondiale, les hôtels et restaurants ne recherchent plus les grosses commandes et les gros containers qui débarquent de Chine, mais les petites quantités, les séries limitées... Et c'est là où les Libanais s'affirment comme "the source market". Y aura-t-il d'autres pavillons de design libanais? "Peut-être le même, peut-être quelque chose qui lui ressemble à l'étranger, pour présenter les designers libanais. C'est le but." affirme Wafa Osta.

En attendant que les "industriels prennent le risque", que le design s'ancre davantage comme un marché viable au Liban et à l'étranger, les initiatives privées se poursuivent, pour paver encore la voie et insuffler au design un nouvel esprit. C'est ainsi que l'Adapo est actuellement en train de "constituer une collection de design qui sera exposée dans un musée. C'est tout ce que je peux dire pour le moment", ajoute Sophie Skaf. Alors rendez-vous prochainement…