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Art in the press

L’art au Moyen-Orient - A qui de droit?

L’art au Moyen-Orient a souvent été considéré comme un art où l’on dessine et l’on peint la coutume d’un passé pacifique et où l’on capture des photos et des images d’un présent chaotique. L’art au Moyen-Orient peut s’imager dans un livre où tous les chapitres porteraient le même titre d’un Avant/Après…

Les artistes de cette région sont toujours liés à la cause nationaliste de leurs pays d’origine, nous pensons à leurs cinémas, à leurs photographies et à leurs peintures… nous pensons également à leur théâtre, à toutes ces oeuvres endeuillées et mortifères qui agonisent d’un spleen héréditaire.

“L’actualité artistique” de ces pays a attiré beaucoup de regards et intrigué beaucoup de consciences cette année… Nous ignorons cependant la portée réelle de cette déflagration d’intérêt que nous avons retrouvée dans bon nombre de grands rendez-vous internationaux qui se tiennent jusqu’à fin 2007. Les pratiques culturelles des pays du Moyen-Orient se sont-elles alors subitement anoblies? Sinon, pourquoi suscitent-elles autant de consécration?

La présence massive des artistes, groupés sous l’étendard de leurs pays, dans les plus hautes instances de l’art contemporain, pousse nos interrogations au bord de la panique. Qui est mis en avant-première, le pays ou ses artistes? Qui devrions-nous regarder, applaudir, remercier? Par qui devrions-nous être émus…? A qui de droit?

Le Liban, plus précisément, a participé à plusieurs manifestations artistiques et s’est trouvé protagoniste de certaines. Il a été le pays à l’honneur de Paris Cinéma; Il a, de même, été sélectionné pour l’opération littéraire des Belles étrangères; sans oublier l’inauguration, pour la première fois d’un pavillon libanais à la Biennale de Venise.

Actuellement, il participe à Palerme, à la semaine du design consacré à l’art méditerranéen, et il est présent au Festival d’automne à Paris dans le cadre des scènes artistiques du Moyen-Orient.

Les réalisations que la catégorie libanaise offre lors de ce Festival d’automne sont une sélection des séquelles de guerre vécues à travers les projections des documentaires de Joana Hadjithomas et de Khalil Joreige; les inhibitions du vécu représentées dans les différentes performances de Rabih Mroué et de Lina Saneh; et les incidents absurdes évoqués par Walid Raad, qui tente de définir l’inexplicable ironie du fait de porter un nom arabe depuis le 11 Septembre.

Présentés ainsi, l’intérêt de recevoir et d’intégrer un pays comme le Liban dans la discipline d’art contemporain relèverait de l’ordre du relais de l’information, plus encore d’un appel à l’éveil des consciences… Cela aurait été tragiquement vrai, si nous nous étions obstinés à ne voir dans ces créations qu’un appel de plainte. Or, l’humour employé dans la plupart de ces performances et vidéos permet d’affirmer que certains de ces artistes ont réussi à rompre avec le profil de rescapés racontant le vécu sordide de leurs compatriotes. Ils présentent ainsi un art qui transcende la réalité par le noir.

Suivant cette même approche, mais dans un tout autre registre, six designers libanais exposent leurs créations lors de la Semaine du design à Palerme. Cynthia Zahar emprunte à l’art baroque et à l’exotisme méditerranéen l’aspect des couleurs frappantes et indélébiles avec les “Lustres de Castafiore”, alors que Cécile et Wyssem Nochi se jouent dans leurs créations de la réalité politique et sécuritaire du pays, “Luffa 5hjar”, “Political Safety Net, Out to Lunch”.

La présence des artistes libanais dans les manifestations de grande renommée bénéficie donc aussi bien au pays qu’à ses artistes. Mais c’est l’effort individuel et la façon de voir de ces metteurs en scène, réalisateurs et créateurs qui a rendu possible la programmation des spéciales Liban…

Les remerciement leurs reviennent et les critiques aussi…!

Myriam Ryzk - Agenda culturel no. 307 du 3 au 16 Octobre 2007