Habib Srour

Habib Srour - Article en Français

Habib Srour - Article en Français:

Habib Srour (Beyrouth 1863-Beyrouth 1938) ne visait pas une société fondamentale, parce qu'il était minoritaire dans le Beyrouth du XIXe siècle où la représentation était fractionnée selon les groupes socioculturels. Il vécut à Rome jusqu'en 1882, puis, pour raisons de santé, à Naples. De là, il se rendit en Egypte, où il trouva un lieu social plus vivace et plus stable que Beyrouth, mais où il ne fut qu'un peintre parmi d'autres.

Fidèle, comme tous les artistes de sa génération, à la formule classique, Serour ne s'est pas empêché de sortir du cadre étroit du formalisme, pour s'accorder certaines libertés dans le choix et le développement de ses sujets.

A son retour au Liban, en 1908, il ouvrit un atelier de portraits, aidé par des protecteurs et des mécènes, puis il devint professeur de dessin à l’école ottomane de Beyrouth. Sous le Mandant français, l'époque et de milieu n'étaient plus les siens. Il n'était qu'un peintre vieillissant au brio typiquement italien dans l'approche du sujet.

Occupé à fournir sur commande des toiles à thèmes religieux, il se permettait de temps à autre de peindre un portrait ou une nature morte.

Il était peintre dans un pays où les balbutiement de l'art ne posaient pas les questions de la peinture, mais l'illusion du rendu de ces questions: la représentation, les influences et, pour lui, le style, notion toute nouvelle, sorte d'ajout qu'il apportait à la technique pour dire que l'art n'est pas fait d'artisanat, mais de sa névrotique minutie, qui va au-delà de la ressemblance. Il savait pertinemment cette perspective fausse, mais elle était seule à garantir l'exigence de son individualité face au monde, et la nécessité qu'un ordre soit préservé pour l'empêcher de verser dans un chaos intérieur.

Quelle conscience eut-il lui-même de son art? Mourani le considérait comme un peintre ottoman, et se tenait-lui même pour davantage sensible au fond maronite et urbain où Giusti, Corm et Spiridon lui semblaient plus à leur place que Srour, porteur d'angoisses et de doutes, mais aussi de qualités picturales. Fut-il moins installé que Corm dans la peinture et la société libanaises? Il n'a pas connu les retour à la naïveté de la copie auxquels Corm eut souvent recours, en grande partie à cause du côté nerveux et ironique de son caractère, Srour était marqué par le goût de ses maîtres, l'apprentissage académique de l'Italie qui enfermait des générations de peintres libanais dans la difficulté à trouver un répondant culturel. Quand les premiers peintres libanais rentrèrent d'Italie, avec un métier où le brio l'emportait sur tout le reste, ils réduisirent souvent le réel à sa seule copie au pied de la lettre, les images, les toiles et les reproductions. Copie passive dont l’orientalisme, tentative de caractérisation du réel oriental située à l'extrême opposé, ne parvenait pas à transcender le travestissement.

Il ne faudrait pas, pour autant, leur reprocher leur absence de modernité, ils faisaient la peinture contemporaine de leur époque et cela leur valait d'y être mieux adaptés, en tant qu'artisans de la reproduction, dans une société où celle-ci était un produit social assurant l'identité garante de la généalogie. La définition de la place du peintre y était précise et il ne tenait pas le rôle que nous semblons vouloir leur assigner. Etre peinture, c'était se mettre chaque jour devant son chevalet.

Tout en jouant des procédés italiens les plus rhétoriques, Srour prit au demeurant garde à ce qu'ils ne se jouent pas de lui. S'il avait une illusion à rendre, c'était sans illusion aucune. On pourrait dire, à la limite, que ce refus de tout illusionnisme, du jeu factice et de la jonglerie est un problème d'ordre moral. 

Srour eut sa période de précision minutieuse dans le portrait, tentant de faire passer le réel dans la peinture par une opération magique de translation. Ce réel, Srour ne le força jamais. L'exemple parfait en est une toile et un sujet: la Bédouine, où le redoublement avec Corm pose le problème de la sensibilité. A d'autres périodes, il n'y eut plus entre lui, le réel et la peinture, que le désintérêt total du sujet, une lassitude, le chromo, et cela seulement dans la copie, c'est-à-dire le sujet mais même dans le traitement pictural. Dans ce genre de peinture, toute singularité est exclue et le lointain écho de la revendication du style se défait dans l'artisanat destiné à la wilayet.

La manière dont Srour s'inscrit dans une histoire de l'art, c'est la maniére dont il inscrit celle-ci dans la peinture, ce dont il porte trace et influence et qu'il voudrait élaborer: le point de jonction d'une technique et de commandes reflétant le goût de public. Ce qu'il peint, dans sa méticulosité et par sa palette sombre, c'est l'assombrissement de la reproduction du réel, la crise de la réponse de la peinture italienne à la fin de XIXe siècle. 

Douaihy, qui le connut à la fin de sa vie, puisqu'il fut son assistant, me dit un jour à CHAMPIGNY-SUR-Marne qu'il «s'était détraqué la vue avec des portraits à dix livres or».

Srour participa en 1931 à l'exposition collective de l’Ecole des arts et des métiers et en 1934 à l’exposition de l'hôtel Saint-Georges organisée par Georges Vayssié.