Zohrab Keshishian

Zohrab: Articles de presses

Texte de l’Artiste Peintre Joseph Matar sur le livre d’or de l’exposition d’Octobre 2014 à Surface Libre

J’ai assisté à plusieurs expositions de l’artiste peintre Zohrab, je suis convaincu de son authenticité, de ses capacités, de sa métrise, de la grande richesse de sa palette. Il domine à merveille ce sacré jeu pictural, il réalise des poèmes. Zohrab est un vrai créateur, il a sa manière, son style quelque soit le thème à traiter, ses couleurs sont lumineuses et propres, ses lignes souples et sobres, espaces et volumes en parfaites harmonies, la pureté de son âme enveloppe son œuvre.

Zohrab n’est pas bavard. C’est l’artiste qui peine dans son travail, ses recherches dans toute son œuvre quelque soit les dimensions, sa conception est monumentale. Il sait, il sent, il vit et s’exprime avec amour et simplicité. Ses figures d’enfants sont des pèlerins venus du paradis pour séjourner parmi nous, ses portraits, ses figures, ses têtes dépassant le mètre me rappellent ces portraits pharaoniques aux expressions multiples, ses personnages partagent les mystères célestes avec le quotidien terrestre.

Zohrab est audacieux, il possède tout le savoir, l’inspiration et l’élan créateur qui donne toute la grâce à l’œuvre.

Zohrab l’ami, l’artiste, l’être humain, si communicatif et silencieux ; il est claire et transparent comme son œuvre ; en cette ultime exposition à Surface Libre, je lui souhaite tout le bonheur, la réussite et la prospérité.

Jo Matar, 10 2014

S'exposer aux toiles de Zohrab est un plaisir qui intensifie la vie (Eddy Dagher 3.6.2009)

On ne se lasse pas de regarder un Zohrab. D'ailleurs on ne regarde pas un Zohrab, on le contemple. Dans un monde tellement agressant pour les yeux, l'œuvre de ce maître vous pénètre, vous apaise et vous remplit de joie. Je dirai qu'elle vous visite et je n'ai pas peur du rapprochement que le mot pourrait susciter tant chaque toile est une visitation qui vous remplit de joie et converse avec tout votre être.

Les compositions de Zohrab sont instinctivement calculées. Elles ouvrent le monde et révèlent la création. Elles touchent le cœur et satisfait la raison. Elles apparentent à une rêverie supérieure et libre qui rejoint notre civilisation dans ce qu'elle a de meilleur. Les femmes et les hommes sont au centre de ses dessins. Ils ne sont jamais défigurés et sont d'une grande dignité. C'est d'eux que jaillit la lumière qui s'étale sur la toile en fracas somptueux de couleurs morcelées.

Un autre atout de l'écriture picturale du maître, c'est qu'elle est profondément ancrée dans sa vision spirituelle du monde et accompagne son œuvre d'un certain lyrisme poétique où se côtoient vie et mort, fête et deuil, joie et souffrance, richesse et pauvreté d'une humilité et d'un respect digne de son peuple qu'il peint de mille et une façon. Cette vision rejoint les affections et les charges de toutes les femmes et de tous les hommes de toutes les époques et tend vers l'éternité. Ce qui lui fait dire que ses toiles viennent du passé, parlent au présent et continuent leur route vers le futur.

Que Zohrab manie l'huile, la gouache, l'aquarelle, l'encre ou le crayon, il envisage son écriture de manière personnelle, intuitive et divisionniste. Son aménagement précis de la composition conjuguée à une éloquence tonale faite de diversité préfigure une grande maturité.

Enfin, l'œuvre de Zohrab est totalement indifférente aux modes. Elle est particulière, individuelle et en même universelle. Chaque toile est une œuvre d'art qui existe pour le prolongement de la vie de l'artiste et de sa pensée et rattrape celui qui la contemple ou la possède. A ceux qui cherchent une œuvre décorative, qu'ils s'abstiennent de se présenter aux toiles de Zohrab sous peine de matérialiser l'activité artistique et de devenir « articide ».

Zohrab: « Yesterday, Today & Tomorrow »? (Eddy Dagher, 19 février 2010)

Le « Yesterday, Today & Tomorrow » de Zohrab, sa toute dernière exposition, est un peu comme la lumière et le jour, inséparables et cependant chaque instant apporte son relief propre et ses couleurs particulières. Leur indissociabilité est aussi notoire qu'indispensable à la vie. Aussi, mal inspiré est celui qui reprochera à l'artiste son manque d'inspiration, car derrière cette succession évidente il y a l'existence, son existence ; ce qui fait la vie de l'artiste, qui fait l'artiste. Car le génie de ce peintre est composé d'amour, d'enfance et encore d'amour relié à chaque instant. Chaque tableau est un relais qui partage avec celui qui le contemple ce que la vie offre de plus beau: le rêve et le souvenir. Rêves et souvenirs d'hier, d'aujourd'hui et de demain qui nous apprennent à apprécier l'instant eternel.

Si Zohrab est avare de mots, ses toiles s'expriment à l'infini. C'est dans ses tableaux, où ce silencieux, amoureux des êtres et de la solitude parle le plus de lui-même. Il nous fait partager, à coup de pinceau, dans un style symbolique, ses plaisirs minuscules, jusqu'à ses plus grandes douleurs, depuis le petit garçon qu'il fut, jusqu'à l'homme d'aujourd'hui. Au fil de ses peintures, des morceaux de vie enrobés de poésies. Ils sont le reflet de la vision d'un homme accompli, d'un homme qui a compris! Ses touches en soie parfois, en velours d'autres fois, soumises au sujet et à sa composition, soufflent sur les toiles un léger vent frais qui débarrasse les yeux des écailles pour montrer en secret, les dessous de Dieu. Ses scènes baignent dans une lumière étrange qui semble irradier de l'intérieur des formes dira Nicole Malhamé Harfouche.

S'exposer à un Zohrab c'est prendre le risque de s'exposer à soi, tout nu et fragilisé tant il parle à notre conscience-consciente et à notre inconscient. Zohrab met de la lumière là où il fait si sombre dans les yeux de certains êtres qui s'oublient… Un tableau vaut bien des thérapies entières et rend à la vie ce qu'elle a de plus beau: la vie. Et le peintre rejoint le philosophe pour passer la couche de lumière qui manque à notre regard. Pour Zohrab, rien ne doit s'oublier, tout doit glisser des yeux à l'âme pour éclairer et instruire l'âme. Alors le souvenir côtoie le rêve et deviennent ensemble sources de bien-être et scintillent d'espoir. Son cœur est au bout des doigts et pinceaux, plumes, crayons et autres craies n'en sont que l'extension.

Aussi spirituel qu'organique, Zohrab cultive autant la pureté que la puissance. Il excelle dans la gestion du dessin, impressionne dans la graduation des couleurs, et émeut par la densité de sa passion. Qu'ajouter à cela sinon que pour cet artiste le plaisir de peindre est manifesté et que sa peinture laisse passer toutes ces impressions avec une facilité déconcertante. Son œuvre est sensible et poétique, et ce sédentaire-voyageur, nous montre le monde tel qu'on ne le voit plus. Au fond, Zohrab nous éclaire sans toucher a notre ombre, parce que, comme dit Christian Bobin, c'est quelqu'un qui essuie la vitre entre le monde et nous avec de la lumière, avec un chiffon de lumière imbibé de silence.

Et je viens de prendre conscience à l’ instant, un Zohrab… c'est un « Yesterday, Today & Tomorrow »!

La Revue du Liban no 4255 du 27 mars au 3 avril 2010 par Nicole Malhameh Harfouche

Exposition Zohrab à l’Université de Balamand: Un art dont la poésie assure la permanence

Cet artiste-peintre a pour suprême ambition de peindre des personnages dans des paysages et lieux édéniques, créant des espaces intemporels, illustrant, avec tendresse et poésie, des images symboliques, où l'Arménie, la terre de ses aïeux et le Liban, son pays natal, se rencontrent et se confondent. Ces lieux constituent, pour lui, le lieu de son enchantement, celui où vibrent les éléments d'un réel recomposé, qu'il projette sur la toile ou le papier, en jaillissements de lumière et de couleurs. L'image illustre, simultanément, le passé et le présent, le réel et l'imaginaire, tout ce qui, nivelé par le subconscient, appartient à l'horizontalité sereine des choses.

Qu'il dessine des personnages, des éléments de la nature ou des objets, il asservit son sujet à d'exigeantes formules graphiques. Dessinateur en premier lieu, il affectionne le trait cursif et une certaine rigueur au niveau de la structure de la forme. L'être humain est partout présent, même quand il est absent et les motifs des compositions sont entièrement transposés dans le climat de son âme. La judicieuse composition des couleurs donne naissance à la structure de paysages réinventés, se veut soutenu par le support de l'imaginaire, un imaginaire nourri par tous les éléments de la nature et ceux cosmiques: lumière, feu, eau.

Il inculque à ses sujets une autre dimension à travers un langage plastique stylisé, bidimensionnel et les thèmes sont recomposés au-delà de toute vraisemblance, au moyen de cette valeur expressive, si particulière, dont les peintres symbolistes usent avec spontanéité. Les formes et couleurs, il lui faut les organiser selon ses impressions et sentiments, avant que n'émergent des symphonies irisées, puisées dans le silence et la solitude. Ce qui confère, à son art, une poésie innée et une harmonie délectable.

SYNTHÉSE PIRADONALE ENTRE LE RÉEL ET L'IMAGINAIRE

Intuitif, penché sur sa sensibilité, Zohrab exprime l'essentiel. Il condense dans les limites du schéma visuel, en une organisation de signes, de formes et de couleurs, chaque élément de l'apparence, en le suivant dans sa transformation et son évolution vivante. Des compositions, où la forme a été interprétée avec une très grande liberté, voisinent avec d'autres, plus suggestives, plus symboliques.

Il sait que tout acte de peindre est une impérieuse nécessité de communiquer les abyssales parcelles de son âme, celles-là même qui le relient, tout autant, à son imaginaire qu'à la nature et attribuent à l'artiste toute sa dimension face à la créativité. Un mélange, particulier, de spontanéité, d'expression et d'un contrôle logique de ses émotions fait le grand intérêt de sa production.

Les peintures de Zohrab résultent, visiblement d'une interprétation poétique, symboliste et onirique des éléments figurés, c'est pourquoi toute invention de forme, toute figuration du sentiment et des idées a, dans sa production, I'élan et la puissance de l'imaginaire.

Il recourt à une esthétique dont il a lui-même découvert les principes et les moyens adéquats, les uns et les autres issus d'un métier sûr et d'un talent certain.

A force de recherches, il est parvenu à retrouver la fraîcheur native et drue de la sensation fondamentale, qu'il s'agit de solidifier et d'éterniser dans l'œuvre. À travers son art, il édifie un monde où l'imaginaire joue un rôle primordial, un monde dont la forme, la structure et la poésie assurent la permanence, au-delà du réel et du temps.

Quand le visible est imprévisible… par Jalal Khoury

Il est des artistes qui passent leur vie à se chercher.

Il en est d’autres qui se trouvent tout de go, presque sans broncher.

D’autres encore se renouvellent dans la continuité. Ou, c’est selon, persistent dans « leur » nouveauté.

Le peintre Zohrab se situe, à la fois, hors et dans toutes ces catégories. Sans avoir l’air de le faire, ou de faire exprès. Sûr de lui, loin de toute hargne, il s’arrange, depuis des décennies, à être égal à quelque chose qui ressemble à s’y méprendre… à lui-même. Comme s’il pratiquait un exercice de retenue ou de fidélité à des racines qu’il a lui-même plantées. Une fois pour toute, sans complexes, ni ambiguïté…

A voir ses œuvres, on se demande si cet artiste agit avec l’esprit bourru de l’artisan ou s’il s’agite, comme artisan, avec des élans exaltés d’artiste. Question subsidiaire : sa peinture est elle création ou énonciation remodelée d’images fantasmées ?

Valéry disait : « Les fleuves et les rivières passent, la mer passe et demeure. » Avec Zohrab, on est tenté de paraphraser le poète en remplaçant subrepticement fleuves et mers par écoles, genres et mouvements. Ecoles d’un genre qui ne suit aucun mouvement si ce n’est celui, inconvenant, d’une improbable signification.

Superpositions de plans, ou de vue, comme autant de points de vues, ses toiles sont des florilèges faisant feu de tout bois, celui de ces sous-bois de couleurs d’où transparaissent, ça et là, des formes, des figures, des lignes, des entrelacs qui tous, à l’unisson, soulignent, dans leur fragilité, l’évanescence d’une réalité recrée.

Ce peintre se présente, en dernière analyse, comme un auteur se réservant le droit d’être un montreur. Un montreur de couleurs tels des rumeurs d’antan patinées par on sait quel passage du temps.

Le critique Michel Ragon se posait un jour la question de savoir si la critique d’art pouvait se passer de la peinture. Ou être un exercice à part, sans rapport avec son point de départ. Face Zohrab, on est tenté de répondre par l’affirmative tant sa peinture est rébarbative à l’analyse. Du moins à celle qui cherche à doubler la mise en se voulant, dans une prétention viscérale, docte et abyssale.

En définitive, cet artiste se montre, encore une fois, comme un marginal, le témoin d’une réalité qu’il a lui-même inventé, et qui, chaque fois, cherche à se le démontrer. Simplement ! Et sans apprêts...