Lina Murr Nehmé

Article de presses - Livre Fatwas et Caricatures par Lina Murr Nehmé

Fatwas et caricatures, la stratégie de l’islamisme. «Un affrontement est imminent à l’échelle mondiale»
magazine.com.lb

Dans son ouvrage Fatwas et caricatures, la stratégie de l’islamisme, Lina Murr Nehmé se base sur des documents pointus pour tenter de répondre à toutes les questions suscitées par la montée de l’islamisme. Un document référence à découvrir… avec stupéfaction.
En revenant dans votre livre à tous les ouvrages, les fatwas, les sermons, les livres qui ont déclenché la montée des mouvances extrémistes, à quelles conclusions êtes-vous arrivée?
A ceci: les événements dont nous sommes témoins sont la conséquence prévisible de décennies de propagande, d’une part, et de laxisme, de l’autre. Un affrontement est imminent à l’échelle mondiale. L’avancée rapide des mouvements terroristes, qui tuent dans des buts à la fois politiques et religieux, est en train de provoquer des vocations chez un nombre effarant de jeunes. Chaque attentat procure aux islamistes une publicité effrénée qui fait rêver beaucoup d’adolescents, partout dans le monde. Qui peut leur faire comprendre qu’ils sont exploités quand ils acceptent de se transformer en bombes humaines?

Qui finance al-Qaïda et Daech?
En 2005, un ancien directeur de la CIA évaluait les sommes dépensées par l’Arabie saoudite en prosélytisme wahhabite dans le monde, à 90 milliards de dollars. Ceci, sans compter l’argent versé à des organisations terroristes, comme celle de Ben Laden (Oussama, ndlr) à ses débuts, ou celui utilisé pour tenter de déstabiliser d’autres pays, influer sur leurs élections et acheter leurs politiciens. Ce n’est pas grand-chose pour la dynastie saoudienne, qui exporte, chaque jour, 10 millions de barils de pétrole brut. Cela lui procurait 1,5 milliard de dollars par jour quand le baril était à 150 dollars (en 2014). Maintenant que le baril est à 50 dollars, elle encaisse 500 millions par jour. Et elle laisse le peuple saoudien dans la pauvreté. Depuis les années 2000, d’autres pays financent l’islamisme dans le monde, notamment le Qatar qui tire d’énormes revenus de l’exportation de son gaz naturel.

Tous les islamistes, dites-vous, même ceux qu’on qualifie de «polis», sont à mettre dans le même sac. Quel est l’enseignement essentiel qu’ils dispensent notamment en Occident?
Les islamistes, comme Ben Laden et Baghdadi, sont francs et vous montrent le couteau. Les islamistes «polis» enveloppent des lames de rasoir dans des gâteaux à la crème. Mais leurs résultats les trahissent. Regardez la haine que les admirateurs de Tarik Ramadan ont pour les Européens. Pourtant, Tarik Ramadan parle beaucoup d’amour. Comparez-le au cheikh Maher Hammoud qui, lui, a l’amour pour résultat. Et, comme par hasard, les islamistes font la promotion de Tarik Ramadan et cherchent à tuer Maher Hammoud.

Quel est le but ultime des islamistes? Islamiser ces terres ou protéger leurs fidèles des «mécréants» en terre d’Occident?
Daech a promis de faire du Vatican une mosquée, de prendre la Maison-Blanche et de remplir de sang les rues de Paris et de Londres. Pour atteindre ce but, tous les moyens sont bons. L’immigration illégale en masse est, peut-être, l’un de ces moyens. Les islamistes «polis» disent aussi qu’ils prendront l’Europe, par la conquête démographique et les conversions. Mais dans quelle mesure ces conversions sont-elles volontaires, quand on sait la pression morale et financière qui s’exerce dans certains quartiers? Des dons appelés «aumônes» sont offerts aux convertis, aux prédicateurs et aux femmes qui acceptent de se voiler. Il n’y a pas de liberté quand il y a de l’argent. Il n’y en a pas non plus quand il y a une propagande phénoménale, surtout sur les réseaux sociaux.
Propos recueillis par Danièle Gergès

Lina Murr Nehmé

C’est la fille de May et Alfred Murr, écrivains libanais célèbres. C’est une historienne et politologue franco-libanaise, spécialiste de l’islam et du monde arabe contemporain. Elle est professeur à l’Université libanaise. Durant 35 ans, elle a fait des recherches intensives au sujet des guerres contemporaines du Moyen-Orient, des mouvements terroristes. Lina Murr Nehmé a pris aussi l’initiative de défendre des sites archéologiques voués à la destruction à Beyrouth dans le but de préserver l’héritage culturel du pays. Elle a plusieurs ouvrages à son actif dont Les Otages libanais dans les prisons syriennes,Le Liban assassiné, lettre ouverte à monsieur Sarkozy, 1453, Mahomet II impose le schisme orthodoxe, Baalbeck, monument phénicien,Si Beyrouth parlait…

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« Fatwas et caricatures » de Lina Murr Nehmé : le rêve panislamique... L'orient le jour - Octobre 2015

Historienne et politologue, Lina Murr Nehmé n'a jamais craint de déranger ou de bousculer les idées reçues. La plupart de ses ouvrages dérangent. Mais le dernier-né, Fatwas et caricatures, la stratégie de l'islamisme (aux éditions Salvator), est stupéfiant en raison des informations qu'il contient et du franc-parler de l'auteure qui n'hésite pas à démonter les réseaux de l'islamisme, ancien et moderne, qui a aujourd'hui pour noms el-Qaëda, les Frères musulmans et Daech, en France notamment. D'une façon claire et documents à l'appui, Lina Murr Nehmé raconte comment la famille royale saoudienne ainsi que les dirigeants du Qatar, notamment le précédent émir, ont systématiquement dépensé des sommes énormes pour répandre l'islam dans tous les coins du monde. Un chapitre est même consacré à un échange peu amical entre l'auteure et le penseur philosophe Tariq Ramadan dans le cadre d'une conférence qu'il donnait à l'Institut du monde arabe (Ima) à Paris en 2009. Lina Murr Nehmé raconte comment elle a essayé d'obtenir de Ramadan une opinion claire sur la position des islamistes au sujet du viol des esclaves et du fait de coucher avec des petites filles. Mais l'auditoire s'est dressé contre elle, prenant parti en faveur du penseur philosophe, qui selon l'auteure a obtenu sa chaire à la prestigieuse université d'Oxford en raison du don important fait par l'émir du Qatar à cette même université.

Lina Murr Nehmé ne mâche donc pas ses mots et c'est sans la moindre complaisance que son ouvrage évoque les sujets sensibles, notamment l'expansion de l'islam en France (elle est elle-même franco-libanaise) et les intérêts en jeu. Elle ne craint pas ainsi de dire que Charlie Hebdo était en train de perdre de l'argent et devait pratiquement déclarer sa faillite, lorsqu'il a décidé « de recourir à la méthode habituelle » pour faire parler de lui et pour renflouer ses caisses : attaquer l'islam. L'hebdomadaire qui en 2014 ne vendait que 30 000 exemplaires en a brusquement vendu 7 millions après l'attaque dont il a été victime en janvier 2015... Lina Murr Nehmé revient aussi sur la grande manifestation organisée par le gouvernement français en solidarité avec l'équipe de Charlie Hebdo et en guise de refus du terrorisme, à laquelle étaient conviés de nombreux chefs d'État dont certains ne respectaient pas dans leurs pays les droits de l'homme... L'auteure parle ainsi de Raïf Badawi, le blogueur saoudien arrêté et condamné à mille coups de fouet parce qu'il avait osé parler de laïcité et critiquer les ulémas. Elle reprend d'ailleurs une partie des articles publiés par le blogueur notamment lorsqu'il affirme que « la relation entre la religion et l'État est amorale dans de nombreux cas, car elle est politisée pour servir une poignée de gens qui veulent réaliser leurs envies aux dépens du concept de patrie... ». L'auteure revient aussi sur la manifestation de protestation contre les caricatures visant le prophète Mahomet qui avait été organisée à Beyrouth le 5 février 2006 et qui avait donné lieu à des actes de vandalisme à Achrafieh contre des symboles chrétiens, comme l'église Saint-Maron.

Les exemples sont nombreux et ils sont tous méticuleusement exposés et analysés par l'auteure dans un souci de vérité, non de polémique. Il ne s'agit donc pas de dénoncer l'islam, mais les islamistes, et de démonter leurs réseaux humains et financiers dans l'ensemble du monde occidental. Qu'ils s'appellent les Frères musulmans, el-Qaëda et Daech, qu'ils aient un vernis occidentalisé et modéré, ou qu'ils soient des prédicateurs comme cheikh Youssef Qardaoui, ils constituent une menace non seulement pour la région mais pour l'Occident et l'auteure a voulu mettre l'accent sur cette menace, sans se soucier ni de prudence ni de complaisance. Pour elle, c'est presque un devoir moral, celui de clamer la vérité, même lorsque celle-ci n'est pas bonne à dire, en avançant des preuves et en faisant un travail minutieux de documentation et de recoupements divers pour aboutir à l'idée que la création d'un État islamique est un vieux rêve qui n'a jamais été abandonné depuis Hassan al-Banna et qui est en train de s'étendre selon le concept panislamique des Frères musulmans.