Joseph Faloughi

Ecrire sur Joseph Faloughi est un travail des plus intéressant

Joseph Matar - Avril 06

Ecrire sur Joseph Faloughi est un travail des plus intéressant ; mais de quel Faloughi écrire? par l'artiste peintre et poète Joseph Matar - Avril 2006

L’artiste et ses toiles ? Le collectionneur ? Sa vie ? L’ami calme débordant de sérénité et serviable à l’extrême ? Ou ce superviseur qui suit tout le mouvement artistique au Liban et dans le monde s’intéressant à tous les artistes qui trouvent en lui une amitié fidèle.

Je l’ai connu élève dans le complémentaire, il était studieux et brillant. Je l’ai découvert plus tard à l’Université, à l’Ecole des Beaux Arts, c’était le chercheur, travaillant jour et nuit, sachant quel dur travail est l’exécution d’une oeuvre d’Art. Notre connaissance a évolué en amitié depuis plusieurs lustres, on se rencontrait sur plusieurs points, je lui montrais mes oeuvres et j’aimais écouter ses opinions. Il était convaincu que l’oeuvre d’art est création avant d’être une toile ou matière plastique quelconque ….il avait acquis toute la formation que son âme sensible et pure mettait en oeuvre, exprimant ses sentiments, ses idées, ses conceptions, son monde personnel aux horizons lointains à la matière riche et humanisée .

Joseph Faloughi vit son oeuvre et l’émotion dont elle déborde en est la preuve, cet être silencieux qui a le mérite de savoir écouter, méditer et sentir intensément sa peinture, l’expression de son âme agitée, tourmentée…. Il est comme cette tempête qui se prépare sous l’eau calme pour exploser sur une palette en couleurs merveilleuses.

Faloughi n’en est pas à sa première exposition individuelle, c’est la deuxième, lui qui a participé aussi à plusieurs expositions collectives...

A Surface Libre c’est un choix d’oeuvres de ces deux dernières années.

Dessins, formes, couleurs, matières, mouvements, espaces… forment une unité - ils sont inséparables. Les formes qui ne sont pas toujours concrètes laissent en notre esprit l’impression des idées premières qui furent à leur origine.

Joseph Faloughi expose peu, mais peint, dessine, et travaille beaucoup, il désire nous confier à travers les oeuvres récentes des empreintes de son âme, poussant l’expression pour atteindre le côté poétique …. Une oeuvre sans âme est un objet quelconque inanimé ce qui n’est pas le cas chez Faloughi, infatigable, obstiné, il étudie sa nature la dissèque, il en fait des recherches autour de la réalité simplifiant et exprimant sa propre nature qui du concret se métamorphose en formes abstraites dynamiques, vivantes….

Le clair-obscur si cher à beaucoup d’artistes durant des siècles, Faloughi l’exprime par des teintes colorées, des complémentaires, des juxtapositions, des tons et des nuances….
Joseph connaît profondément les secrets picturaux qu’il exploite subtilement pour créer une atmosphère allant de son inconscient à la conscience du spectateur qui juge, observe, sent …et critique à la fois …..

L’ambiance dans l’oeuvre peinte qu’il porte en lui, nous la vivons aussi, elle parle, elle dirige notre regard, et souvent elle crée en nous cette attitude que je résume en “émotion” 
Joseph Faloughi peint avec amour, passion, lui, ce calme et serein à première vue, couve en son fond intérieur un feu brûlant, celui de l’amour de la terre, des hommes de l’existence,…et de la création artistique qu’il exprime…

Il vit profondément ses “sujets” je veux dire oeuvres, il les pétrit, ce jeu entre l’oeil, l’âme, l’esprit et la main….comme le boulanger pétrit sa pâte… c’est une autre riche en matière et couleurs qui coule et circule sur sa toile pour édifier une nouvelle image de cet univers, ouvrir d’autres portes et horizons adéquats avec ses conceptions contemporaines.

J’aurais donné un nom à cette exposition, un thème = hymne lumineux. Le triomphe de la lumière, ce qui me rappelle des oeuvres si chères aux grands maîtres: Les lumières écrasant les ténèbres- Le soleil chassant les obscurités…..etc.….

Les lumières émanant de son soleil sont là sur les cimaises de Surface Libre une multitude de lumières qui scintillent de partout et se heurtent entre elles brûlant l’âme du spectateur, nous pouvons nous arrêter sur quelques unes de ses peintures:

«Les quatre saisons» dont les rythmes me rappellent Vivaldi, les tons chauds et rouges du fond pénétrés par ses touches de bleu, un passage de l’automne à l’hiver qui nous mène au printemps , les traînées de couleurs, les terrasses allant du vert aux multiples roses dégagent les parfums de “Flore” la Déesse Nature et éclatent en plein été en ocres et des nuances de jaunes des touches solides bien construites et senties - Entre les saisons de l’existence et celles de l’âme il n’y a qu’un pas, une ouverture….Je lis entre les lignes, j’écoute entre les teintes , je sens la vie circuler dans cette présence si individuelle et indépendante qu’est l’oeuvre.
Eternelles quatre saisons , que de poètes, de peintres , de sculpteurs de musiciens… furent épris par votre rythme enchanteur , votre charme , vos mystères, vos symboles , votre renouvellement… Vous êtes inspiratrices comme les muses, vous êtes infatigables, depuis le premier matin de la Création vous ne faites que vous exprimer sans jamais se répéter, il y a eu des éternels printemps, automnes …..La nature comme l’âme du peintre se renouvelle et ne se répète jamais, la nature n’aime pas les copiages…

N’est-il pas génial de résumer ces quatre entités en une unité poétique ? Ici c’est la toile.
De vivre les éléments de la nature à travers une âme qui vibre et frémit de sensibilité ?
Les Quatre Saisons sont là, elles nous appellent à un dialogue plein d’amour de joie…..et que d’oeuvres nous arrêtent racontant chacune sa légende et ses événements.
Continuons notre aventure, nous circulons dans cette spacieuse galerie, nous nous arrêtons devant d’autres oeuvres.

«Fleurs des champs», un petit chef-d’oeuvre exécuté avec le minimum de moyens: du rouge et du jaune avec quelques traînées de bleu. L’oeuvre débute par une flamme aux touches mouvementées et où souffle un orage de feu pour s’apaiser au fur et à mesure, prenant alors la forme de tiges et éclater en fleurs splendides aux pétales pleines de vie sur ce fond gris jaune, des fleurs d’amour, des fleurs flamboyantes.

Faloughi y sut étinceler toute sa flamme.

«Blue Time» … c’est un autre élément de l’existence …le temps bleu…
Si l’espace est mesurable par des échelles de longueurs, le temps est mesuré par la durée, cette durée éphémère qu’on ne peut ni arrêter ni retenir- Le temps bleu, notre planète bleue, une harmonie bleuâtre, aux bleus verts additionnés de rose… un cyclone bleuté qui explose dans l’oeuvre - Des touches larges, hardies, épaisses, et lumineuses… C’est un voyage, une évasion dans la durée.

«Le philosophe», cet apôtre, ce missionnaire, il est présent, aux couleurs chaudes défiant l’éternité.

«Clef de jaune» …. Le nom est musical, l’oeuvre aussi, c’est une symphonie orchestrée par ce personnage du milieu qui distribue les rôles c’est un prélude en ré mineur - La répartition est excellente, ici on n’observe pas seulement, on écoute aussi les sons sagement interprétés, les tons se succèdent sans rupture. Clef de jaune et une toile ensorcelante.

«Carnaval», une fête, une danse, une kermesse.

«Dialogue», arbres, terre, ciel et astre lumineux au centre etc.…

Plus d’une quarantaine d’oeuvres à savourer, à admirer ….
Dans cet ensemble exposé aujourd’hui, Joseph Faloughi est en pleine maturité, il est dans sa propre personnalité, son identité qu’il exprime avec maîtrise - un style personnel, il retrouve tous ses “moi”.

C’est une période de maturité.
L’Exposition de Surface Libre en est la preuve.