Jean Guvdérelian

Guvder - Article en Français

Guvder - Article en Français

Né en 1923, Guvder a suivi les cours de l’Académie Nationale des Beaux-Arts de Paris. Premier professeur libanais à donner des cours de dessin et de sculpture à l'Institut Culturel Italien à Beyrouth, il dirige l’atelier d’art Guvder à Beyrouth.

Montrant ses montages totémiques à Frank’O Gehry, ce dernier m’avait dit : « Pourrais-tu me l’introduire, ce Guvder, pour qu’il m’enseigne sa philosophie sur la forme polymorphique? Sincèrement, c’est plus herculéen que Henri Moore ».

Le roseau (calame) broie le silence de la page… Les bavures s’exaltent sur le blanc gratté… l’encre dévore la mine… puis silence. De nouveau, une rafale de traits organiques, alimentée par un Wagner odieux et un Heidegger schizophrène… un relâchement avec Bachelard… de nouveau, attaque de front contre Picasso, soutenue par Picasso lui-même. Sans rendre ni Rembrandt ni Van Gogh jaloux, un cri dresse une forme informe, voire une non forme, entre la philosophie et la poésie … puis silence. Il explique : « ces lignes sont le bruit de mon esprit et de mon âme… directement échappées de mon cœur ». Trempé à nouveau dans l’encre noire, le roseau reprend la bataille : un regard, une compréhension, puis une trace ; cette dernière infère une floraison de vie sur le blanc, une métamorphose de la nature mère en cristaux coplanaires. L’effigie s’habille d’une matière qui, une fois constituée, se dématérialise aussitôt. Après la dématérialisation, le processus est couronné par une spiritualisation, dernière phase après l’irisation.

À la galerie Noah's Ark - Guvder... Faire de la peinture une prière
Passionné, voilà ce qu’est cet artiste de grand talent, dont les yeux brillent chaque fois qu’il est question d’art.

Guvder est un artiste avec un grand A. Un vrai. Un pur. Un créateur libre. Le dernier des justes, un plasticien exigeant qui occupe une place éminente dans la peinture libanaise.

Voilà un homme qui a consacré totalement sa vie à l’art, à la peinture, à la sculpture, à l’enseignement qu’il communique depuis longtemps à ses étudiants.

A la galerie Noah’s Ark, une cinquantaine d’œuvres récentes et des aquarelles, font de cette exposition un événement notable que les collectionneurs ne manqueront pas d’honorer de leur présence.

Guvder ne cherche pas à plaire et les sujets difficiles qu’il affectionne tout particulièrement, lui permettent d’exprimer des sentiments complémentaires et quelquefois contradictoires, comme la violence et la poésie.

L’artiste a choisi de montrer ses récentes compositions aquarellées, pour atteindre un art de sensation plus libre, conforme à sa nature.

L’aquarelle lui offre la possibilité de se laisser aller à une peinture spontanée, où les touches larges et souples de plans colorés laissent au dessin une place de choix.

Ce matériau lui permet, également, de donner libre cours à sa sensibilité et à sa créativité. Un médium qui convient à son tempérament d’artiste libéré de toutes contraintes.

Il y a des chuchotements dans l’art de Guvder, des mystères qui s’écoutent avec le cœur et des vibrations que l’on ressent épidermiquement.

Il y a la vie hors du temps ou, plutôt, une vie éternelle figée dans l’espace d’un tableau.
Chez ce créateur, aucun reflet d’une vaine apparence, mais bien plutôt une plénitude du réel s’exprimant dans le silence de la création.

Soudain, comme dans un tourbillon, les œuvres s’animent sous son pinceau et nous entraînent, cassant nos références, réduisant nos préjugés et, a priori, en un mot, nous faisant découvrir, malgré nous-mêmes, ce que nous ne savions pas.

VIRTUOSITÉ DU TRAIT

Ainsi, par elle nous prenons conscience de notre place entre le passé et l’avenir, entre l’être et le paraître, entre la vie et la mort.

Nous devenons, alors, des méditants, des orants souffleurs d’âme, là où le temps n’existe plus, où l’esprit et la matière fusionnent dans la lumière.

Expression ou suggestion des formes, l’art graphique est bien l’une des composantes essentielles de la création dans ce qu’il possède d’intime.

Au cours des siècles, les artistes l’ont pratiqué soit comme point de départ d’un tableau, soit comme une œuvre à part entière, support de l’émotion éprouvée sur le vif.

En regardant les œuvres de Guvder, très vite notre attention est captée, tant par les thèmes abordés que par le graphisme.

Son goût exquis, son raffinement sont servis par la virtuosité du trait.

Qu’attend cette foule, vers où se dirigent ces silhouettes, ces personnages hagards dont tous les regards convergent vers le même mystère?

LA PEINTURE, UNE PRIÈRE

Pour Guvder, faire de la peinture est une prière, une quête.

Et nous aimons cette gestuelle libérée de toute appréhension qui ose s’aventurer dans des zones inexplorées et riches en potentialités. L’artiste ne s’abandonne jamais complètement au plaisir de la couleur, mais donne toujours sa part prépondérante au dessin.

Son trait n’est pas une ligne qui enferme, mais un élément qui structure et souligne une forme.
Guvder a une création prolixe et n’en demeure pas moins un artiste, dont les solides qualités plastiques ne cessent de surprendre ceux qui suivent sa carrière.

Un événement à ne rater sous aucun prétexte.

Par Sonia NIGOLIAN
Guvder…le roc visionnaire.