Hrair Diarbekirian

HRAIR, Hrair Diarbékirian par Michel Fani

HRAIR, Hrair Diarbékirian, dit (Michel Fani, Dictionnaire de la peinture au Liban, Editions de l'escalier, 1998, pages 150 et 151)

Hrair est né à Beyrouth, le 20 Décembre 1946. Il s'inscrivit en 1959 à l'Académie Libanaise des Beaux-Arts (ALBA) où il fut l'élève d' Henri Fortier.

L'oeuvre de Hrair se caractérise par la frontalité dans le traitement des personnages, le cloisonnement de l'espace et la répétition des éléments décoratifs. Il peignait en homme qui a parfaitement assimilé ses techniques, avec une rapidité plus liée à sa nature qu'à un désir d'utiliser ces éléments pour approfondir sa peinture, c'est-à-dire se donner les moyens d'élargir le vocabulaire et les données plastiques de la toile.

La nature même de son travail lui interdisait de méditer la lente élaboration nécessaire à la poétisation intense du monde plastique qu'il portait, même si de temps à autre il ouvrait une porte sur ces possibilités, comme pour nous rappeler qu'elles ne lui étaient pas refusées. Le sens inné d'une naïveté puisée dans les traditions de l'iconologie arménienne et byzantine évolua chez lui à mesure que se manifestait le côté exubérant de sa personnalité.

Il n'est pas sans intérêt d'analyser les mécanismes par lesquels Hrair s'est intégré à la société beyrouthine, c'est-à-dire la manière dont il s'est constitué peintre, par une première exposition qui fut un échec, puis une seconde à la galerie One, qui lui valut de se constituer peu à peu un public de collectionneurs. Il accompagnait le développement social et mondain d'une société beyrouthine dont il resta toujours proche, et où le peintre jouait un rôle non d'amuseur public mais de peintre, faisant des expositions et plaçant ses toiles chez des amis. Il montra une sensibilité météorique aux formes et au goût de peindre, tout en demeurant conscient des facilités auxquelles il avait cédé pour des raisons qui ne tenaient qu'à lui.

Hrair puisa dans l'iconographie byzantine et dans l'histoire de la miniature arménienne les premiers éléments qui différencièrent sa peinture de l'académisme, mais il en fut victime quand il n'en tira plus que l'exubérance décorative. Il a expose à la galerie Alecco Saab à Beyrouth en Avril 1962, en 1963, 1964 et 1965 à la galerie One, en 1964 et 1966 à l'hôtel Phoenicia, en 1969 à la galerie l'Antiquaire et en 1969 à la galerie Jadis.

Exposition Hrair: Mystère, irréalité, poésie: Par Nicole Malhamé Harfouche - La Revue Art et Culture, Beaux-Arts - Revue du Liban 3, 10 Juin 2006

Maîtrisant bien l’art du dessin, il estime que, pour qu'une peinture vibre de tout son éclat, il lui faut tout un cortège de couleurs. Il utilise, à cet effet, une palette riche où, à côté des rouges cramoisis, des oranges intenses, des roses tendres, des jaunes d'or, il met des bleus veloutés, des verts eau ou profonds... Pour donner aux êtres, aux éléments et aux choses, un aspect très séduisant, il orchestre avec subtilité ses nuances, créant des symphonies bien rythmées.

Un Artiste Peintre Intuitif, Penché sur sa Sensibilité

La production de Hrair apparaît pleine de mystère, de fantaisie et en quête d'une expression poétique. Dans sa vision du monde, son regard s'et tout particulièrement attaché à souligner, en toute chose la preuve d'une harmonie interne. Il parvient souvent à créer un climat et une atmosphère, à partir du jeu des formes, des couleurs et des rythmes qu'il agence selon ses propres nécessités plastiques. C'est pourquoi, il aime reprendre et approfondir certains thèmes pour en saisir la vérité intime.

On trouve dans ces oeuvres des éléments de la nature, des paysages et des lieux fictifs, des figures et personnages, essentiellement des femmes que l'artiste se plait à mettre en situation dans des espaces recrées. C'est le portrait symbolique de "l'éternel féminin" qu'il nous présente et non la physionomie particulière de telle ou telle femme prise comme modèle. L'immobilité, que prennent les êtres et les éléments dans ce réseau intangible de lignes et de couleurs, nous transpose dans un monde à la fois lyrique et musical. En effet, on ne sait plus si l'on est dans l'univers visible dont les apparences semblent pourtant témoigner, ou dans un autre univers dont les règles et les rythmes secrets prennent forme sous nos yeux. Ainsi, naît l'irréel de cette ambiguïté.

Il paraît évident que Hrair a recours à une esthétique dont il a lui-même découvert les principes et les moyens adéquats, les uns et les autres issus d'un métier sûr et d'un talent certain. De ce fait, sa peinture traduit un souci de grandeur, une recherche de l'expression, une passion pour la couleur qu'il hausse a des éclats lyriques de la plus belle intensité.

En conclusion, ce plasticien est un visionnaire qui explore le monde de l'âme. C'est un artiste intuitif, penché sur sa sensibilité qu'il traduit en images, après l'avoir fait passer par le tamis des idées. Il rebâtit un univers où les formes et figures, qui peuplent ses compositions, ont perdu tout lien avec le contexte dont elles sont issues, pour s'intégrer dans un monde symbolique "d'images mémoires" nées de son imaginaire. Son talent est symbolique par le langage et lyrique par l'esprit. Sa production montre l'évolution d'un art qui n'a jamais sacrifié la richesse jaillissante de l'intensité.