Peintres du Désert Mission artistique au Sahara 1850 – 1975”
Ce n’est pas un reportage mais presque! C’est une rencontre avec des artistes qui ont choisi de partager des instants de vie avec le désert et ses hommes.
A cheval entre romantisme, émotion picturale et reportage, l’orientalisme s’inscrit dans la lignée de ces courants qui ont largement influencé l’art occidental, tout en permettant d’appréhender le us et coutumes des peuples au cours du XIXe et XXe siècle. C’est l’époque de la campagne d’Egypte, de la guerre d’indépendance de la Grèce, de la prise d’Alger, de la guerre de Crimée, avec des peintres amateurs ou professionnels qui témoignent de leur rencontre avec le désert, avec une autre culture, dans des conditions parfois dangereuses. Ainsi l’officier devient aquarelliste, le scientifique s’improvise peintre tandis que l’artiste joue parfois les ethnographes accompagnant les expéditions de pacifiques ou militaires. S’il est vrai que cette exposition par sa thématique démontre une filiation orientaliste, elle présente la particularité de proposer des œuvres qui s’éloignent des clichés et des fantasmes trop souvent portés par ce courant, pour témoigner avec vérisme d’une contrée et de ses hommes. Il faut revenir à 1898, pour découvrir le premier carnet de croquis, de dessins et d’aquarelles d’Henri Fournial, médecin aide – major de la mission Foureau Lamy. Mais avant lui, dés 1850, l’un des premiers artistes de renommée à s’aventurer au Sahara fut Eugène Fromentin, auteur de deux ouvrages à succès « Un été dans le Sahara » et « Une année dans le Sahel ». Parmi les illustres à figurer aux cimaises, se retrouve Gustave Guillaumet qui se plaisait à décrire la vie agricole. Le père Charles de Foucauld, assassiné des pillards en en 1906 qui laisse de remarquables carnets de croquis. Il y a aussi Paul Elie Dubois, peintre officiel d’une mission scientifique au Hoggar qui s’est lié d’amitié avec les grandes familles du désert jusqu'à devenir un ambassadeur du peuple Touareg.
Paul-Elie Dubois. "Touareg du Hoggar"
Paul-Elie Dubois. "Chants du Hoggar"
Découverte d’une autre culture
En 1930 il expose 400 tableaux peintures, aquarelles et dessins, qui enthousiasment le public et la critique. Plus près de nous, la première traversée du désert par Citroën (1923 – 1924) ouvre la voie à la croisière noire qui parcourt le continent africain de l’Algérie à Madagascar entre 1924 et 1925. Cette aventure, puis la croisière jaunes, suivies très officiellement par le peintre Alexandre Lacovleff qui travaille sur nature, carnet de croquis à bout de bras pour éviter les chaos de la route, lui valent à son retour un succès mondial. Trois de ses sanguines figurent à cette exposition au même titre que des œuvres de Charles Brouty qui accompagne en 1959 la mission Berliet-Ténéré. Pas question de consacrer des cimaises au désert sans évoquer le rôle de la Villa Abd-el-Tif qui a contribué à confronter l’orientaliste durant un demi-siècle. A la faveur des premières bourses de voyage décernées par les Beaux Arts et grâce à la Villa Abd-el-Tif, les artistes ont bénéficié d’un centre d’hébergement en même temps que de prix, de commandes publiques et de bourses d’études qui leur ont permis de s’enfoncer plus au Sud, au-delà des portes désert. Indubitablement liée au colonialisme et à la mode orientaliste, c’est une incroyable aventure artistique qui a permis à des artistes, de se frotter à une autre culture en essayant de partager des émotions cueillies à la découverte de ces terres riches d’un exotisme qui n’a jamais cessé de faire rêver les Européens.
Gustave Guillaumet "Campement d'un goum" (Détail)
Ainsi cette exposition qui aurait pu s’appeler « les vrais peintres du désert » présente le travail d’artistes qui se sont directement et volontairement confrontés au grand désert.
Arts Actualités Magazine du Juillet/Août 2006 – N’152 p.76 à 79
Exposition: Musée des Beaux-Arts et d'archéologie J. Déchelette, Roanne, France
par Thierry Sznytka