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La Bibliotheca Islamica à 80 ans

(agenda culturel no. 362 du 13 au 26 janvier 2010)

La Bibliotheca Islamica est l'une des plus grandes collections de manuscrits arabes au monde. Depuis que l'Orient Institute a repris sa direction en 1961, 49 titres ont été publiés, soit au total 118 volumes. C'est en fouillant les fonds de bibliothèques d'Egypte, d'Irak, de Londres ou d'Istanbul que les chercheurs engagés dans ce travail de fourmi remontent à l'origine de chaque texte. Après avoir exploré les coulisses de l'institut dans son numéro 343, l'Agenda Culturel remet le couvert pour les 80 ans de la Bibliotheca Islamica. Le centre de recherches allemand organise en effet une exposition du 18 au 31 Janvier 2010 au palais Unesco. Ce sera l'occasion pour le public de se familiariser avec les nombreuses étapes qui permettent le passage de manuscrit au livre et de voir les publications de l'Orient Institute.

Un projet d'envergure Internationale

Lancée à Istanbul en 1929, la supervision de la Bibiotheca Islamica a été reprise en 1961 par l'Orient Institute, basé à Beyrouth. Dans les années 60, la capitale libanaise était aussi la capitale de l'édition du Moyen-Orient: il paraissait donc tout à fait logique de s'y installer pour un tel projet. Mais la Bibliotheca Islamica est avant tout le fruit d'une coopération internationale importante. Elle nécessite à la fois la participation de bibliothèques du monde entier, sollicitées pour leurs manuscrits, et la collaboration d'éditeurs arabes, sans qui les manuscrits une fois décryptés ne pourraient voir le jour. A l'exception de sa filiale stambouliote, en passe de devenir autonome, l'initiative de l'Orient Institute est unique au Moyen-Orient et au Maghreb.

Un processus lent et complexe

Impatient et têtes brûlées s'abstenir: transformer un manuscrit en livre est un travail de longue haleine. L'ambition de l'Orient Institute est de parvenir à standardiser des textes arabes de référence, scientifiques et littéraires, datés du X au XV siècles. Depuis 1929, pas moins de soixante éditeurs ont été impliqués dans ce travail de recherche, couvrant ainsi des domaines de connaissance très larges. La Bibliotheca Islamica regroupe en effet des ouvrages de poésie, de théologie, de rhétorique et même des correspondances officielles. "Il existe toujours différentes versions d'un même texte, parfois très divergentes" nous explique Manfred Sing, chercheur à l'Orient Institute. "Trouvez le texte original est en soi extrêmement compliqué. Il faut d'abord s'assurer qu'il s'agit de la version la plus ancienne. Puis chercher toutes les autres versions de ce texte afin de pouvoir faire apparaitre dans la publication finale toutes les variations d'interprétation existantes". C'est notamment parce qu'il existe des éditions très variables des textes d'Ibn Khaldun que l'on ne trouve pas à ce jour de critique de son œuvre, pourtant majeure. Si l'enjeu est de taille, le processus n'en est pas moins très lent. "Al Wafi bi-I-Watayat" de l'historien Al-Safai, l'un des principaux projets de la Bibliotheca Islamica, a commencé en 1930 et n'a été terminé que 75 ans plus tard!

Des obstacles imprévus

Les aléas du contexte politique à Beyrouth ont corsé un peu plus encore la mission des chercheurs de l'Orient Institute. Faute de place suffisante dans ses locaux de Zokak el-Blat, le centre de recherches allemand a choisi d'entreposer la plupart des manuscrits chez un éditeur basé dans la Dahiyé (banlieue sud de Beyrouth). Malheureusement, en 2006, une trentaine d'ouvrages disparut suite aux bombardements israéliens. Il ne fallut pas moins d'un an pour réimprimer l'ensemble des livres détruits. "Et encore, certaines des éditions les plus anciennes, imprimées avant la Seconde Guerre mondiale, n'ont pas pu être retrouvées" déplore Stefan Knost, chercheur à l'institut. "Ce genre d'événement rend notre travail plus difficile. C'est le travail d'une vie" conclut avec stoïcisme Manfred Sing.

I.M.

L'Orient-Institut: Restitue l'Héritage de la Pensée Islamique - Brief introduction in English as well (See end of the article)

A l'occasion de Beyrouth capitale mondiale de livre 2009, l'Orient-Institut entreprend l'ambitieux projet de réimprimer 130 ouvrages de sa collection Bibliotheca Islamica. Durant la guerre de 2006, tous les livres placés dans des dépôts dans la Banlieue Sud de Beyrouth ont été détruits et plus de 100.000 copies ont ainsi disparu. Apres 2006, l'institut a remplacé une partie de ces ouvrages récents et a scanné et archivé la totalité des titres.

Fonde par la German Oriental Society, l'Orient-Institut est établi à Beyrouth depuis 1961. Son histoire est étroitement liée à celle de la recherche sur la pensée islamique et l'histoire arabe. Situé à Zokak el Blat, l'institut est logé dans une ancienne villa du début du XXe siècle, ayant appartenu a la famille Sarkis.

orient-institut

Financé par des institutions allemandes, cet organisme indépendant regroupe des chercheurs et des historiens qui s'intéressent à l'étude de l'histoire du monde arabe. Il fournit ainsi des analyses et édite des ouvrages sur l'évolution aussi bien politique qu'économique et sociale de la région. Les principales publications de l'institut sont la Bibliotheca Islamica et Beirut Texts and Studies.

La Bibliotheca Islamica est un projet en cours, représentant l'une des plus importantes collections sur l'histoire, la littérature arabe, et la théologie, notamment le soufisme. Elle met à la disposition des chercheurs les sources et le référence de l'étude de la pensée et de la philosophie islamiques. Ces livres sont principalement écrits en langue arabe, mais aussi en turque et en perse. Alors que la deuxième série, Beirut Texts and Studies s'adresse à un public plus large, et ses ouvrages sont rédigés en allemand, en français ou en anglais. La Bibliotheca Islamica a été fondée par la German Oriental Society, dans les années 30, à Istanbul. Considérée comme l'imprimerie des ouvrages arabes, Istanbul a perdu ce titre avec la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Ensuite, les publications étaient partagées entre Damas, le Caire et Amman, jusqu'à la création de l'Orient-Institut à Beyrouth qui a pris en charge cette édition...

Selon Stefan Leder, directeur de l'institut, "la série était baptisée Bibliotheca Islamica au temps où le mot islamique ne portait pas la même connotation qu'aujourd'hui. Avec la montée de l'extrémisme, ce terme est beaucoup plus lourd à porter". Les débuts de XXe siècle constituent une suite de l'orientalisme qui est apparu en littérature et en peinture au cours du XVIIIe siècle et qui s'est développé au XIXe siècle.

Considérés comme exotique, le Moyen-Orient et le Maghreb fascinaient les artistes et les penseurs de l'époque... Nous retrouvons dans cette collection les poèmes d'al-Jahilia (poèmes du Moyen-age), de même que les recueils du poète hédoniste et libertin Abou Nouwas, les écrits de l'historien Ibn Iyass, ou du polygraphe Ibn Faqih.

La sélection des 130 ouvrages qui seront rendus publics le 10 septembre prochain sont ceux qui constituent "une priorité, et qui sont jugés les plus importants à l'égard du patrimoine culturel du monde arabe".

La plus grande entreprise de cette sélection est celle de l'encyclopédie d'al-Safadi (1297 - 1363) intitulé "Kitab al-Wafi bil Wafiyat" qui regroupe les biographies de personnalités (écrivains, califes...) depuis le début de l'Islam jusqu'a la période Mamlouk. Ils renferment en outre des petites histoires qui intéressent les chercheurs et les historiens car ils livrent des éléments sur les us et coutumes de l'époque des personnages cités. Des manuscrits anciens et livres de la série, publiés à Istanbul dans les années 30 et épuisés depuis longtemps, font également partie de cette sélection. Ce choix repose sur le fait que ces ouvrages trouveront preneurs aussi bien chez les chercheurs que chez les personnes intéressées par les textes anciens. Enfin, des index répertoriant les titres des ouvrages complètent la sélection.

Les ouvrages de l'Orient-Institut sont aussi bien atypiques par leur mise en page minimaliste que par leur rythme de publication. Suivant Stefan Leder, "les raisons se résument au fait que nous voulons garder le standard des éditions critiques. En effet, le projet des répertoires al-Safadi dure depuis 30 ans et s'étale sur 30 volumes. La course contre la montre ne fait pas partie de nos règles. Quand à notre mise en page, ce sont nos moyens financiers qui nous imposent cette présentation." Les efforts fournis par l'Orient-Institut sont donc concentrés sur la publication d'ouvrages de références pour les historiens. De plus, aucun des ouvrages édités dans la série Bibliotheca Islamica n'est traduit vers une langue étrangère car "notre objectif est de préserver la littérature d'expression arabe".

Par contre des efforts sont menés pour traduire des textes portant sur la philosophie et la pensée islamique, de l'allemand vers l'arabe "C'est un effort dans le cadre critique. Les textes reproduits sont accompagnés par des annotations et des références".

Tous les ouvrages publiés par l'Orient-Institut sont tirés à 1000 exemplaires et distribués dans les endroits spécialisés au Liban et en Allemagne. Un projet est aujourd'hui en cours pour relancer la distribution dans les pays arabes.

"Le monde des manuscrits arabes est vaste. On en a encore pour des générations."

Myriam Ryzk - Agenda culturel, no. 343 du 18 au 31 mars 2009

A savoir:
- Les 130 ouvrages réimprimés de la Bibliotheca Islamica seront présentés le 10 Septembre 2009.
- Une exposition de livres, de manuscrits ou de reproduction de manuscrits et photographies sur l'histoire de Bibliotheca Islamica est prévue en Janvier 2010.
www.orient-institut.org

Brief introduction in English as well:

The Institute

The Orient-Institut Beirut supports historical and contemporary research on the Middle East and the Arab world in cooperation with researchers and academic institutions throughout the region.
It accommodates various research interests and furthers the articulation of diverse perspectives. Confessional multiplicity in Lebanon and the linguistic diversity of academic life inspire and guide the institute's mission.

Research activity at the institute contains a broad spectrum of approaches and methods current in humanities and social sciences. Social, religious, and intellectual history as well as the study of literature, language and politics, for instance, may appear within the range of projects conducted at the institute. Particular emphasis is put on the systematic study of primary sources, regional agents and affairs.

The Orient-Institut is committed to supporting individual research. Its library services, colloquia and lecture series are meant to offer a complement and inspiring framework for studies in various fields.

To encourage academic cohesion and continuity, teams of scholars collaborate to develop institute-wide projects and long-term thematic perspectives.

The institute also provides doctoral and post-doctoral grants, which are announced at its website.
The Orient-Institut is a part of the The "Stiftung Deutsche Geisteswissenschaftliche Institute im Ausland DGIA" ("Foundation German Humanities Institutes Abroad")

History

The Orient-Institut Beirut was established by Hans Robert Roemer in 1961, in a small apartment in Ras Beirut. Founded by the German Oriental Society (Deutsche Morgenländische Gesellschaft, or DMG), the insitute was funded by Germany’s Federal Ministry of Education and Research (Bundesministerium für Forschung und Technologie, or BMFT), along with various other charitable foundations, such as the Fritz Thyssen Foundation and the Volkswagen Foundation.

To make room for a growing library, which thrived under the direction of the now deceased Martiniano Pellegrino Roncaglia, and to accommodate an expanding academic personnel, the institute soon had to relocate. In 1964, it acquired a spectacular old Villa in the nearby neighborhood of Zokak el-Blat. Within years, however, even this space was insufficient. Finally, in 1973, expansions were completed that have accommodated the library’s growth ever since.
From its inception, the institute has cultivated close ties with other academic institutions, both in Lebanon and throughout the entire region. Such relationships were hindered, however, by Lebanon’s civil war, which forced the German staff to relocate to Istanbul in 1987. Despite the institute’s proximity to the “Green Line” separating one military faction from the other, the building did not incur any major damages.

The unintended but welcome consequence of this temporary relocation was the establishment of the Orient Institut’s Istanbul branch, which has long outlived the official return of the German scholars to Beirut in 1994. It now focuses mainly on Ottoman, Turkish and Central Asian studies.

In 2003, the Orient Institut Beirut/Istanbul was incorporated into the Foundation of German Humanities Institutes Abroad (Stiftung Deutsche Geisteswissenschaftliche Institute im Ausland, or DGIA). A new institute is now being planned for in Istanbul.