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Mansion – Une maison abandonnée réinvestie en lieu d’art

En plein cœur de Zokak el-Blat, le Mansion, abrité derrière quelques arbres, échapperait presque au regard des passants. Cette grande maison bourgeoise abandonnée pendant la guerre civile a repris vie récemment lorsque le propriétaire a donné l'autorisation à plusieurs artistes d'y installer leurs ateliers gratuitement. En échange, ils se sont engagés à prendre soin de la maison et de son jardin, à ne pas les laisser se détériorer.

Depuis quelques mois, l'endroit est une véritable ruche de créativité. En plus de ses onze ateliers mis à la disposition d'architectes, designers, cinéastes, artistes, en échange d'une contribution financière pour les frais de la maison, plusieurs évènements artistiques ont été organisés et un ciné-club va bientôt ouvrir.

A la tête du projet, les artistes Ghassan Maasri et Sandra Iché. Diplômé en architecture, Ghassan Maasri a toujours placé l'espace au cœur de son travail. Il a pendant longtemps cherché un espace à Beyrouth qu'il pourrait occuper pour laisser libre cours à son art. Lorsqu'il a découvert le Mansion, le coup de foudre a été immédiat. Il ne s'est d'abord pas fait d'illusion : ’’J'ai toujours été intéressé par les espaces abandonnés. Mais ici au Liban, il n'y a pas de culture du squat. Pour occuper une maison abandonnée, il faut avoir l'autorisation du propriétaire, et beaucoup refusent. Pourtant, s'ils autorisaient plus cette pratique, tous les bâtiments abandonnés, et il y en a beaucoup, seraient entretenus, et même sauvés.’’

Une fois l'accord passé avec le propriétaire, Ghassan Maasri s'est réjoui de pouvoir proposer une économie de l'art alternative à Beyrouth. Il avait déjà essayé d’ouvrir des ateliers pour les artistes à Beit El Sanayeh puis à Ain El Mreisseh, mais les loyers étaient toujours trop élevés : ’’Certains devaient habiter à l'endroit où ils travaillaient, car ils ne pouvaient pas payer deux loyers. Pour un jeune diplômé qui veut se lancer dans l'art à Beyrouth, il est difficile de payer un appartement et un atelier. Ils doivent parfois se soucier plus de trouver des fonds que de créer’’. Ghassan propose donc des ateliers où les artistes peuvent s'adonner complètement à la création, plus qu'au financement.

Outre le côté financier, Mansion offre d'autres avantages aux jeunes créateurs. Ils peuvent d'abord penser l'espace comme art et créer une vraie connexion avec la maison. ’’Lorsque l'on choisit un artiste, on veut vraiment être convaincu qu'il a besoin d'un studio, et que ce n'est pas juste une lubie passagère. On veut que les gens soient impliqués, qu'ils cohabitent. Quand une vieille maison fait partie de ton quotidien, elle affecte ton travail’’.

En outre, Ghassan et les artistes présents ici l'ont bien compris, l'espace partagé permet d'ouvrir ses horizons et son carnet de contacts. Entre les différents évènements artistiques et les visites impromptues, les artistes peuvent développer leur réseau professionnel. Prochaine étape de ce rapprochement entre les artistes et les amateurs d'art : le lancement dans leur grand salon commun d'un ciné-club bimensuel, gratuit pour tous. Quelques artistes se sont regroupés pour choisir les films, et souhaitent éditer un fanzine avant la publication. Ghassan explique : ’’La sélection pourra aller du cinéma hollywoodien aux films arabes expérimentaux. On publiera un fanzine autour du film avant la projection, il orientera les discussions après chaque projection. Ce qui est important, plus que la projection du film en elle-même, c'est la rencontre entre les gens, et l'échange’’.

Agenda culturel Novembre 2013