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Beirut Art Center - Premier centre d'art contemporain au Liban

L'année 2009 verra l'inauguration du premier centre d'art contemporain à but non lucratif au Liban, le Beirut Art Center. Situé dans la zone industrielle de Jisr el-Wati, le Beirut Art Center (BAC) est un espace de 1500 m2 anciennement occupé par une usine d'ameublement. Il a été crée à l'initiative de Sandra Dagher, organisatrice d'événements artistiques depuis huit ans, et de Lamia Joreige, artiste plasticienne et vidéaste active sur la scène libanaise et internationale depuis une dizaine d'années.

"Le BAC est un pari difficile" nous confie Lamia. L'art contemporain au Liban n'est présent que dans les galeries d'art commerciales et les centres culturels et de certaines ambassades étrangères. "Notre action est d'exposer des œuvres sans but commercial". En effet, ce centre est une association à but non lucratif dont le comité exécutif est formé de Bassam Kahwagi, Rabih Mroué et Maria Oussaini, aux côtés de Lamia Joreige et Sandra Dagher.

Un cube de deux étages, tout en blanc, avec comme unique inscription de logo du Beirut Art Center, donne sur une ancienne usine encore délabrée aux murs rouges habillés d'inscriptions taguées au fil des ans… L'atmosphère qui s'y dégage ressemble aux ruelles artistiques de Berlin Est, dont les usines ont été transformées en ateliers de peintres et en centres artistiques après la chute du mur. Le BAC serait-il le premier occupant d'un futur quartier artistique? "Au Liban, il y a un manque de projets d'art contemporain". Cet espace a ainsi vocation d'être un lieu vivant qui s'adresse à un large public. La gratuité des manifestations ainsi que des programmes adaptés aux écoles et aux universités permettront d'atteindre cet objectif.

Tout est mis en place pour asseoir cette proximité à l'art: 3 salles d'expositions situées au rez-de-chaussée, ainsi qu'une librairie et une salle polyvalente capable d'accueillir 75 personnes pour des projections de films, performances, conférences, concerts… Au deuxième niveau, une médiathèque de créations vidéos équipée de "booth" digitalisés est mise à la disposition des chercheurs et étudiants. Enfin, une terrasse et un café complètent le centre.

Le centre prévoit, pour son ouverture, une exposition collective intitulée "Closer".

"Comment définit-on l'intime?"
"A quel moment une histoire devient-elle publique?"
"Quelle est la frontière entre l'expérience personnelle et artistique?"
11 artistes confirmés présenteront leurs vidéos, photographies, installations et toiles. Ils relatent leurs histoires… personnelles: Jananne al-Ani (Irak), Tony Chakar (Liban), Antoine d'Agata (France), Mona Hatoum (Palestine), Emily Jacir (Palestine), Jill Magid (Etats-Unis), Anri Sala (Albanie), Lina Saneh (Liban), Lisa Steele (Etats-Unis), Akram Zaatari (Liban) et Cynthia Zaven (Liban).

Cette exposition se compose de trois volets.
Tout d'abord, les œuvres qui sont construites autour d'un ou plusieurs membres de la famille des artistes. L'installation vidéo "A Loving Man" de Jananne al-Ani qui, d'origine irakienne, vit et travaille actuellement à Londres, en est l'exemple. Le spectateur est invité à entrer dans le jeu de l'artiste, avec ses trois sœurs et sa mère qui se remémorent un homme absent. Chacune d'elles répète une phrase en ajoutant à chaque fois une nouvelle phrase… Au fur et à mesure, les paroles se perdent entre trous de mémoire, fous rires et improvisations calculées.

Ensuite, celles où le point de départ de l'artiste est une histoire personnelle qui reflète nos histoires collectives et leurs différentes lectures. Citons l'installation vidéo d'Emily Jacir, "Crossing Surda". Artiste palestinienne vivant entre New York et Ramallah, Emily Jacir est professeur à l'Université Birzeit. Elle présente une vidéo filmant, durant huit jours, sa traversée du barrage qui sépare Ramallah de l'Université de Birzeit.

Enfin, les œuvres où les artistes sont au centre de la représentation, soulevant des questions en relation avec leur propre image et celle publique.

Jill Magid l'exprime dans"Composite", dessins, lettres et bande son. Jill Magid est intriguée par les informations cachées. En se basant sur les méthodes utilisées par la police et le FBI, l'artiste rédige des lettres demandant à des hommes qui l'ont connue intimement de décrire son visage dans les détails; elle s'adresse par la suite à divers artistes et leur demande de l'aider à reconstituer le visage de cette femme décrite en détail.

L'exposition d'ouverture donne le ton à ce qui semple être, dans la forme, une nouvelle plateforme pour les artistes libanais et régionaux et, dans le fond, l'âme de Beyrouth par ce qu'elle prévoit comme manifestations artistiques et rendez-vous culturels. Ce centre, financé par de nombreux mécènes libanais formés de donateurs privés et de diverses fondations et associations culturelles, tiendra une programmation chargée en événements et expositions. Selon Sandra et Lamia, "des conférences, symposiums, workshops, concerts et performances se tiendront dans cet espace, aux côtés de quatre expositions annuelles réparties comme suit: une exposition thématique, une autre dédiée aux talents émergeants, une troisième consacrée à un artiste et, enfin, plusieurs expositions individuelles d'artistes qui se tiendront simultanément".

Comment Beyrouth situé au cœur d'un Moyen-Orient disloqué, émietté et entaché de souffrance parvient-il encore à s'habiller d'un autre qualificatif que celui d'une zone à risques? La rédaction de cet article coïncide avec les événements de Gaza. Il me semble qu'on n'émeut plus grand monde lorsqu'on meurt plus d'une fois.

Notre capitale réussit encore à faire croire qu'elle est en expectative de son improbable décès, alors qu'elle est à sa énième résurrection… Beyrouth insuffle à ses artistes et organisateurs culturels la volonté de rendre les choses possibles…

La preuve est tangible, un exemple est donné par la naissance du Beirut Art Center.

- L'ouverture est prévue pour le 15 Janvier 2009

(Agenda Culturel no. 338 du 7 au 20 Janvier)